(Et si l’ancien président faisait sa part pour se détendre?)
L’ancien président Nicéphore Dieudonné Soglo a donné la parole la semaine dernière. C’est par un constat, comme une leçon d’histoire dans laquelle il a aligné des faits épars, choisis exprès, pour tenter de brouiller les opinions et livrer ses successeurs Kérékou, Yayi et Talon à la condamnation populaire.
La liberté d’expression est un droit universel inscrit dans la Constitution béninoise. Cependant, l’usage de ce droit doit se faire avec délicatesse et prudence, surtout si son auteur est une personnalité jouissant d’un certain prestige dans l’opinion publique. Dans un passé récent, le premier président de l’ère du renouveau démocratique au Bénin, Nicéphore Soglo, faisait partie de ces références dont les propos et les propos trouvent un écho très fort dans l’opinion publique nationale voire internationale. Malheureusement, l’homme a contribué au fil du temps à éroder cette réputation et toute la respectabilité due à son rang, par son discours qui semble redondant et parfois teinté d’amertume et de haine. Le jeudi 13 janvier 2022, encore, l’ancien chef de l’Etat a cassé l’une de ses déclarations, en guise de mise en examen contre des personnalités avec lesquelles ses relations ne sont plus au beau fixe. Prétendant faire le tour de l’histoire du monde, le président Soglo va d’abord se livrer à une gymnastique intellectuelle en citant les noms de personnes qui ont eu un impact négatif sur l’histoire de l’humanité. De retour au Bénin, il attaque ses successeurs Kérékou, Yayi et Talon. Pour l’ancien responsable de la Banque mondiale, Mathieu Kérékou a collaboré « avec des dirigeants corrompus, qu’il méprisait et traitait d’intellectuels, épuisés et las ». Il a également fait allusion au « sinistre marabout » de Kérékou, Cissé qui a été promu ministre d’État et « a tenu Kérékou par les couilles ». Poursuivant son réquisitoire tonitruant, Nicéphore Soglo affirme que Boni Yayi a « prêté » la Société de développement du coton (Sodeco) à Talon, qui a financé sa campagne électorale. Puis il remonte sur l’affaire « tentative d’empoisonnement » où il indexe Patrice Talon. Comme prévu, le patriarche fait allusion à ses fils Léhady et Galiou Soglo. « Depuis lors, le sang des victimes innocentes n’a cessé de couler. Les prisons regorgent et les exilés sont légions à savourer les délices de l’exil. Comme mon fils Léhady, après une peine grotesque de dix ans de prison pour… »abus de pouvoir » », a-t-il dénoncé. A la lecture de tous ces développements, on est tenté de se demander ce qui justifie cet énième éclat de colère de Nicéphore Soglo. Pourquoi cherche-t-il à créer une distance entre Yayi et Talon en faisant ce rappel malsain à un moment où de nombreuses voix ont salué le rapprochement des deux hommes d’État ?
Je suis sur un registre obsolète
Visiblement, l’ancien chef de l’Etat est sur un registre périmé. Depuis plusieurs années, le Bénin s’est inscrit dans une nouvelle dynamique qui a conduit à une rupture avec le politique. Les gens sont de plus en plus dotés d’une certaine maturité qui les amène à accorder des chèques. De son poste, Nicéphore Soglo doit se mettre au-dessus de la mêlée. Elle doit travailler à la consolidation de certains résultats plutôt qu’à la division. Recourir au passé en rappelant les faits liés à la tentative d’empoisonnement, par exemple, est une manœuvre abjecte pour tenter d’embrouiller l’opinion. A quoi servent les appels de Soglo si ce n’est de saper la cohésion nationale ? Que gagnerait l’ancien chef de l’Etat dans la énième crise entre deux hommes d’Etat qui ont marqué l’histoire politique du Bénin ces dix dernières années ? Du coup, Soglo a encore une fois raté le coche. Essayer de présenter ses successeurs comme des traîtres et des dictateurs, et presque les livrer à la justice mafieuse, est une façon de jouer au narcissisme et de prouver qu’il est le meilleur président de l’ère du renouveau démocratique. Pourtant l’homme n’est pas irréprochable, comme il le prétend. Sa cabale contre Patrice Talon frôle une certaine jalousie même s’il reconnaît le mérite d’avoir fait un bon choix en nommant José Tonato au ministère de l’Environnement. Puisque les gens ne sont plus au diapason de ce genre de discours, Soglo ferait mieux de travailler autrement pour l’unité et la cohésion nationales.
Abdourhamane Touré
Prochaine Législative