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Sous la « rupture » : ces rumeurs qui dénoncent…

La gouvernance sous le régime de la Rupture n’est pas à l’abri des critiques. Sur la toile ou à travers des déclarations officielles, à visage découvert ou non, des voix s’élèvent pour dénoncer et faire des révélations. Ce n’est que ces dernières années que beaucoup de ces voix de dénonciation n’ont plus été entendues. Alors que certains se retrouvent derrière les barreaux à cause de leur implication dans certaines relations, d’autres ont dû changer de manteau…

Laurent Métongnon

L’une des premières voix dissidentes sous la Rottura, Laurent Mètongnon n’a pas manqué de signaler des cas de fraude ou de mauvaise gouvernance. Mais il sera incarcéré puis condamné à 5 ans de réclusion dans une affaire de placement « à risque » de fonds de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) à la Banque internationale du Bénin (banque qui aurait fait faillite au moment de la faits) contre les rétrocommissions. Pour le syndicaliste, il estime payer le prix de ses plaintes relatives au concours controversé organisé par la CNSS au début de la Rottura. Entendu jeudi 7 mars 2019 au Tribunal pour la répression des délits économiques et du terrorisme (Criet), l’ancien Pca/Cnss a révélé avoir fait l’objet de plusieurs menaces au lendemain de ses plaintes concernant ladite concurrence. Saisie du dossier après la condamnation prononcée par le tribunal de première instance de Cotonou, la Cour de répression des délits économiques et du terrorisme (Criet) n’a fait que confirmer la condamnation du tribunal. Le syndicaliste et ancien président du conseil d’administration de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), Laurent Mètongnon et ses coaccusés dans l’affaire CNSS-Bibe ont été condamnés à 5 ans de prison. Dans un communiqué, son avocat Aboubakar Baparapé estime que la décision du tribunal a encore assombri le ciel de notre pays. Selon lui, il s’agissait « d’une parodie de justice devant une section spéciale, dont la mission n’est pas de juger, mais de condamner fermement afin de réduire et détruire la vie des accusés et semer le deuil et la désolation dans leurs familles respectives ». Dans un entretien exclusif accordé à votre quotidien Matin Libre le 2 mai 2017, quelques jours avant son incarcération, Laurent Mètongnon a dénoncé des irrégularités dans l’organisation d’un concours de recrutement à la CNSS. « … Je n’ai pas voulu en parler pour la simple raison que je suis Président du Conseil d’Administration depuis trois ans et je sais que dans le service de transit, j’avais insisté sur la transparence qui doit caractériser ce concours de recrutement pour que nous ne tombions pas dans le même combat que j’ai mené avec les ouvriers et vos reporters concernant les concours d’Aboubacar Yaya qui ont été annulés par le gouvernement Talon dès le départ. Je ne voulais pas en parler, d’autant plus que c’est une question beaucoup plus procédurale. Vous savez au niveau de la Caisse nationale de prévoyance sociale, des organismes de passation des marchés ont été mis en place quand j’y étais… si c’est un comité qui a été mis en place par le directeur pour pouvoir recruter un cabinet pour une tâche qui a coûté au final 18 millions de francs CFA, ce qui veut dire qu’on est même au-delà de ce qu’on devrait appeler la procédure normale… Il faudrait avoir un comptage cellulaire contrôlé, le résultat donné et la personne en charge doivent pouvoir parler à cette toilette entretenue. Autant que je sache, ce n’est pas le cas. Du coup, la procédure elle-même est déjà viciée au départ… Il y a déjà des scandales sous le régime actuel. Ici, ce serait un énième scandale… Du coup, lui, le Président de la République, doit prouver qu’il a cette information et qu’elle est examinée en Conseil des ministres pour qu’elle soit bien visible dans cette compétition. Voici quelques extraits de ses plaintes. (Lire l’intégralité de l’interview sur www.matinlibre.com)

Joël Aïvo

Initiateur du dialogue itinérant et candidat malheureux aux élections présidentielles de 2021, le constitutionnaliste Joël Aïvo a été perçu comme celui qui porte la voix du peuple béninois. L’opposant au régime Talon n’a pas manqué d’envoyer des idées au gouvernement sur des questions de menace pour la démocratie, la liberté d’expression et de la presse, les droits de l’homme, la gouvernance des affaires publiques. Pour beaucoup, il incarnait l’alternance au sommet de l’Etat et la foule mobilisée à chacun de ses meetings en était une illustration. Mais il sera également arrêté par la police, incarcéré et condamné ce mardi 7 décembre 2021 à 10 ans de prison par Criet, le Tribunal pour la répression des crimes économiques et du terrorisme. Le constitutionnaliste et deux de ses coaccusés écopent de dix ans de prison. Ils ont été reconnus coupables de blanchiment d’argent et de complot contre l’autorité de l’État. « … Fais ce que tu veux de moi… » a lancé à la Cour, celui qui prétend faire don de sa personne à la nation béninoise. S’il s’agit d’un dossier vide pour ses avocats, l’avocat semble savoir pourquoi il est poursuivi. « … Je ne suis dupe de rien. J’ai été poursuivi pour avoir incarné une alternative démocratique pour mon pays. Je suis jugé pour avoir préparé une candidature indépendante capable de provoquer l’alternance au sommet de l’Etat », a suggéré Joël Aïvo.

Reckya Madougou

Candidat raté à l’élection présidentielle de 2021, Reckya Madougou incarnait aussi une véritable alternance au sommet de l’Etat. Convaincue qu’elle pouvait gagner la bataille de tout un peuple, elle était devenue une voix dissidente, bien accueillie dans les différentes couches de la société. Une femme de fer pour certains, une battante pour d’autres. Alors qu’elle parcourait montagnes et vallées aux côtés de Joël Aïvo pour partager sa vision avec les Béninois, elle sera interpellée par la police avant de se retrouver derrière les barreaux. Cependant, elle semble toujours convaincue de son combat pour la démocratie. Selon la CRIET, il a « formé le projet d’interrompre le prochain scrutin en commettant des actes de terreur à grande échelle », « préparant l’assassinat de deux autorités politiques ». Accusations infondées selon les avocats de Réckya Madougou. Son procès est prévu dans les prochains jours.

Houdou Ali

Même l’ancien préfet et ministre de feu le président Mathieu Kérékou, Houdou Ali, ne se lasse pas d’appeler à la mobilisation des Béninois pour le rétablissement de la démocratie et de l’Etat de droit et l’organisation d’une assemblée constituante. Ces audios et publications sur les réseaux sociaux ont témoigné de son activisme, malgré son âge. Mais il ne sera pas épargné par les arrestations lancées au lendemain de l’élection présidentielle de 2021. Il sera donc interpellé à Parakou et placé sous mandat de prison. L’opposant aurait été arrêté dans le cadre de l’atteinte à la sécurité et de l’affaire de terrorisme. L’ancien chef du parti politique a dans de nombreuses publications sur les réseaux sociaux appelé à la mise en place de cellules dans les quartiers et les villes pour le rétablissement de la démocratie. Il est secrétaire général et porte-parole de la Fondation Mathieu Kérékou et membre du groupe de contact national.

Bertin Koovi

Mis en examen avec un mandat d’arrêt pour incitation à la haine et à la violence, Bertin Koovi, dans une farouche opposition au pouvoir de Patrice Talon, ne s’est pas lassé d’inonder les réseaux sociaux d’éléments sonores à la limite du désobligeant et menaçant. Mais contrairement aux autres, contraints de se taire derrière les barreaux, celui-ci va décider de changer de manteau. Bertin Koovi a décidé il y a quelques mois de ne pas attaquer le gouvernement du régime Rottura. Et ces nouvelles publications parlent d’elles-mêmes. Dans une vidéo devenue virale, l’homme s’est plaint d’avoir été abandonné par ses pairs pour justifier son rassemblement au camp de rupture. Et depuis, cette course-poursuite dont il faisait l’objet a été annulée, au profit d’un « licenciement ». Il est même rentré chez lui, tout joyeux, en témoignant sa gratitude au chanteur de la Rupture. Adversaire virulent dès les premières heures de pouvoir en place, le président de l’Alliance Iroko a finalement opté pour un changement de veste à la vitesse du vent. Le discours a donc changé et cette voix semble ne plus dénoncer.

Martin Assogba

Ardent défenseur des libertés fondamentales et des droits humains, Martin Assogba est entré dans l’histoire par ses nombreux combats pour la préservation des acquis démocratiques et la transparence du gouvernement au sommet de l’État. Plongé dans un long silence par l’avènement de la Rupture, notamment par sa nomination au Conseil de régulation des marchés publics en janvier 2017, Martin Assogba, président de l’ONG Alcrer avait finalement justifié son silence par le fait qu’il ne restait plus grand-chose à faire. dénoncer comme au temps des régimes passés. « La gouvernance d’aujourd’hui est bien meilleure que celle catastrophique que j’ai dénoncée », s’est défendu le président de l’ONG-Alcrer dans l’émission « 90mn pour convaincre » dimanche 15 décembre 2019. Tout en dénonçant diverses organisations de la société civile et des magistrats, à travers la création de Criet, dispositions qui violent les fondements de la justice, notamment le principe du double degré de juridiction et de séparation des pouvoirs, le président de l’ONG Alcrer s’en réjouit. « Nous avons étrangement la chance que le régime actuel, qui nous dirige, ait accueilli notre cri du coeur avec la mise en place d’un collège de magistrats qui ont été baptisés Criet », a estimé Martin Assogba. A noter également qu’une relecture de la loi sur la Cour pour la répression des crimes économiques et du terrorisme (Criet) a finalement eu lieu en 2020. Pour plusieurs observateurs, l’acteur de la société civile semble changer de sujet dans son combat. L’homme n’a pas manqué d’être critiqué sur les réseaux sociaux. Cependant, sa position sur les lois électorales, dénoncée de part et d’autre, laisse beaucoup perplexe. Et les dernières déclarations du président de l’ONG Alcrer soulèvent de nombreuses questions. Le combat n’est peut-être pas le même !

UN B

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