La constitution du 11 décembre 1990 a consacré le multipartisme intégral au rang de principes cardinaux de la démocratie. Cela a donné lieu à un foisonnement de partis politiques sur l’échiquier entre 1990 et 2016. Cette multiplication des « clubs électoraux » a nécessité un cours de réforme venu à l’occasion du président Patrice Talon. Une réforme dont le principe, bien qu’ayant requis l’assentiment de l’ensemble de la classe politique, se heurtait à la protection des intérêts et conduisait à une redistribution des cartes dans le landerneau politique.
La Conférence des forces vives de février 1990 sonne résolument le glas du parti unique. Du coup, la liberté d’expression a été proclamée pour permettre à la démocratie à laquelle les locuteurs ont désormais adhéré de prendre tous ses droits. Du coup, la boîte de Pandore s’est ouverte politiquement avec la création tous azimuts de partis politiques qui ont vu le jour dans toutes les régions du pays, comme des champignons. Il y avait au moins 250 partis politiques régulièrement enregistrés en 2016. De cette myriade de formations politiques, on ne distingue aisément qu’une vingtaine qui, au vu des différentes compétitions électorales, ont réussi à faire élire leurs candidats. Quelles étaient alors les autres formations politiques apparues dans l’arène ? Doit-on créer un parti politique pour le plaisir ? Quelle a été la contribution au développement de cette pléthore de partis politiques depuis l’avènement du renouveau démocratique ? Autant de questions que les observateurs de la scène politique commencent à se poser. Ces différentes questions ont-elles relancé le débat sur la finalité d’une formation politique qui n’est qu’animer la vie politique du pays et œuvrer à la conquête du pouvoir de l’Etat ? Les partis régionaux et les cercles électoraux, nés d’affinités ou de simples intrigues politiques, s’inscrivaient-ils dans cette logique ? A la croisée des chemins, la réponse est apparue négative. La quasi-totalité de la classe politique s’est accordée sur la nécessité de reformuler les choses et de changer de paradigme, d’où la nécessité de mettre en œuvre une réforme, de redistribuer les cartes et de mieux intégrer les partis politiques dans leur véritable mission, animation de la vie politique, conquête et exercice de la politique. le pouvoir de l’État.
Patrice Talon donne le ton
Bien qu’il en ait fait l’une des priorités de son action au niveau politique, la question de la réforme du système des partis se pose bien avant l’ascension au pouvoir du chanteur du Nouveau Départ. Certaines personnalités politiques avaient évoqué le débat avant lui. On rappelle notamment le cas de Me Adrien Houngbédji qui, lors de son discours d’investiture le 15 juin 2015, a insisté sur la « nécessité impérieuse d’une profonde réforme du système partisan béninois » afin de réduire le nombre de partis politiques, d’établir plus de démocratie en leur sein, pour les inciter à se construire autour de projets sociaux, etc. Autant dire que Patrice Talon n’a pas innové sur le sujet, ses prédécesseurs ayant enflammé le débat devant lui. Le mérite qu’il faut reconnaître à Patrice Talon est d’avoir, au-delà du discours politique, traversé le vermeil pour donner corps à ce qui lui paraissait essentiel pour un assainissement conséquent du paysage politique. Dans son discours d’investiture du 6 avril 2016, il a également jugé utile « de souligner avec force que les racines démocratiques du Bénin dépendent largement du système partisan qu’est celui du Bénin et des valeurs qu’ensemble nous entendons promouvoir. « . C’est donc tout naturellement que, dès son arrivée au pouvoir, le Chef de l’Etat a mis en place une Commission ad hoc chargée des réformes politiques et de la révision de la Constitution. Les travaux de cette commission aboutiront à l’adoption à la quasi-unanimité par les députés (seul le député Eric Houndété a voté pour l’abstention), le 26 juillet 2018, de la loi modifiant le statut des partis politiques.
Des innovations avantageuses mais…
Le texte est composé de 70 articles répartis en huit titres et remplace la loi n°. 2011-21 du 21 février 2013 relative à la même valeur. Il a été adopté à l’unanimité des députés présents et représentés moins une abstention. Il s’agit d’un projet de loi porté par l’ancien député de la majorité présidentielle, actuel président de l’Assemblée nationale, Louis Vlavonou et certains de ses collègues. L’initiative vise à mettre à jour la charte des partis politiques en vigueur afin de favoriser la réorganisation des forces politiques. Autrement dit, l’avènement de cette loi a sonné le glas de la pléthore de partis politiques, notamment des micro-partis, qui poussent comme des champignons à la veille des élections. Il comprend plusieurs innovations.
La nouvelle loi exige en effet au moins quinze membres fondateurs par commune avant la constitution d’un parti politique. Cela donne 1155 membres fondateurs sur l’ensemble du territoire national contre 120 militants aux termes de la Charte actuellement en vigueur qui prévoit dix personnes par département. Cette disposition témoigne clairement de la volonté du législateur de mettre fin au gâchis et de nettoyer l’écurie Augias pour un système partisan fort, efficace et crédible qui valorise la démocratie béninoise, saluent plusieurs députés du Bloc à majorité parlementaire.
Outre la question de la fragmentation des partis politiques, le texte résout également le problème du financement public des partis politiques. La gestion est confiée à la Commission électorale nationale autonome (Céna) qui se retrouve avec de nouvelles attributions. Selon le texte, seuls les partis politiques ont obtenu, lors des élections législatives précédant l’année au cours de laquelle le financement pour la durée de la législature est acquis, un nombre de députés correspondant à un cinquième (1/5) du nombre de députés qui composent l’Assemblée nationale et sont issus d’un nombre de circonscriptions électorales égal au moins au quart (1/4) du nombre total des circonscriptions, peuvent bénéficier d’un financement public. Les partis politiques doivent remplir ces deux conditions avant de prétendre bénéficier d’une aide de l’État. Ces deux critères ont été jugés trop stricts par certains députés de la minorité parlementaire, dont Nourénou Atchadé. Elle soutient l’assouplissement de ces deux conditions afin de permettre à davantage de partis politiques de pouvoir bénéficier d’un financement public.
… Litiges à l’arrivée
La réforme du système des partis a durement touché certains partis politiques. Les nouvelles dispositions contenues dans la loi se sont révélées difficiles à appliquer pour certains groupes politiques. C’est le cas du nombre nécessaire de membres fondateurs (1155) sur l’ensemble du territoire national pour formaliser l’existence légale du parti politique. De nombreuses parties n’ont pas réussi l’examen pour se conformer aux nouvelles dispositions. Ceux qui avaient promis le nouveau système ont rapidement fusionné dans l’un des blocs créés pour faciliter leur intégration dans la nouvelle dynamique. Les résistants ou ceux qui voulaient faire du shuffle ont appris, à leurs dépens, qu’il fallait y aller en grands groupes car peu de partis au tableau avaient un ancrage national. En conséquence, ce dernier a fait l’impasse sur le rendez-vous des élections législatives du 28 avril 2019. La crise née de ces élections a conduit les différents acteurs à un dialogue politique qui s’est déroulé les 11, 12 et 13 octobre 2019 au Palais des Congrès de Cotonou envisager des mesures pour assouplir la loi. Mais là encore, certains n’ont pas réussi à passer le filtre des élections municipales et municipales du 17 mai 2020. Ceux qui ont réussi à obtenir le récépissé définitif de la Commission électorale nationale autonome ont dû rencontrer des obstacles. 2023 est déjà annoncée et les intentions de participer à ces importantes élections sont dévoilées. Vivement que les partis qui aspirent à figurer dans les starting-blocks, tirent les leçons de leurs échecs antérieurs pour faire de la participation à ces élections un véritable défi. Cela passe évidemment par le respect des textes en vigueur.
Gabin Goubiyi
Les 14 parties légales
1. Union progressiste (haut)
2. Bloc républicain (Br)
3. Mouvement des élites engagées pour l’émancipation du Bénin (Moele-Bénin)
4. Force cauri pour le développement du Bénin (Fcdb)
5. Parti pour le renouveau démocratique (Prd)
6. Union Démocratique pour un Nouveau Bénin (Udbn)
7. Dynamique unitaire pour la démocratie et le développement (Dud)
8. Force des cauris pour un bénin émergent (FCBE)
9. Gone the Renewed Flame (Pfr)
10. Grande Solidarité Républicaine (GSR)
11. Parti pour l’engagement et la succession (pour)
12. Redonner espoir (Re)
13. Mouvement populaire de libération (MPL)
14. Démocrates
15. Nouvelle force nationale (Nfn)