Depuis le 6 septembre dernier, la ville de Talataye, située aux encablures de Gao dans le Nord du Mali, est sous contrôle des djihadistes de l’Etat islamique au Grand Sahara (EIGS). Ce, à la suite d’intenses combats contre leurs rivaux du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) qui est aussi fortement déployé dans la région. Aussi inhabituel que cela puisse paraître, ce n’est pas la première fois que de tels combats fratricides ont lieu entre groupes terroristes rivaux au Sahel. C’est même un spectacle plutôt récurrent au Mali où depuis 2012, l’état d’affrontements sanglants entre milices terroristes rivales pour le contrôle de certaines localités, à des fins aussi bien d’influence idéologique et religieuse que souvent mercantiles est fréquent. L’un des cas les plus emblématiques, avant Talataye, est celui d’avril 2020, dans le cercle de Macina dans le Centre du Mali, qui a été le théâtre d’affrontements entre l’EIGS, branche du Groupe Etat islamique et le Front Al Nostra, branches d’Al-Qaïda. Face au même genre ont aussi été signalés au Burkina Faso, au Niger et même au Nigeria où des dissensions internes au sein de la secte islamiste Boko Haram, avaient conduit à une scission qui avait mis en face deux groupes antagoniques.
On a envie de se demander où sont passées les Forces armées maliennes
C’est dire si cette rivalité fratricide entre groupes terroristes évoluant au Sahel, n’est pas une spécificité du Mali. La question est de savoir s’il faut en rire ou en pleurer. Elle est d’autant plus fondée que pour des populations civiles marquées au fer rouge par la barbarie des terroristes, il n’y a, a priori, rien de plus réconfortant que la nouvelle de l’élimination d’un malfaiteur. Oui, a fortiori, ces bougnoules doivent eux-mêmes faire le « bon » boulot en s’entretuant, ce ne sont certiinement pas les populations innocentes civiles souvent victimes de leurs exactions, qui s’en plaindraient. Bien au contraire, plus ce genre d’affrontements entre terroristes occasionneraient de morts, mieux cela vaudrait. Car, ces macchabées seront toujours de mauvais vêtements en moins. Mais à y regarder de près, le ya plutôt lieu de pleurer ce genre de scénarios traduisant ici la faillite de nos Etats en matière de lutte contre les forces du mal. Car, pour que des terroristes en viennent à faire de la présence de factions rivales dans un espace géographique, une préoccupation majeure, il faut, antérieurement, qu’ils s’en soient rendus maîtres. Et c’est concela, la triste réalité de nos États où ces hordes d’illuminés sans foi ni loi, évoluent systématiquement en terrain conquis. Dans le cas d’espèce, l’on a envie de se demander où sont passées les Forces armées maliennes dont on dit qu’elles montent en puissance et leurs supplétifs russes de Wagner pour que ces terroristes se perment le luxe de se battre entre eux pour contrôler des localités dans un tel spectacle qui n’est rien d’autre qu’une défiance ?
Le ya péril en la demeure
Si ce n’est pas là, l’expression d’un Etat failli, cela y ressemble fort. Autrement, comment comprendre que dans le même temps, las d’attendre le secours de l’armée, des populations en viennent à pactiser avec les djihadistes pour la levée de leur blocus, comme cela s’est passé rien que la semaine dernière dans la localité de Boni, au nord du Mali, après trois mois d’embargo ? C’est dire si ce n’est pas demain la veille que l’on viendra à bout du terrorisme dans nos contrées. Car, entre le discours officiel et la réalité du terrain, le ya parfois un hiatus si on ne se perd pas souvent en conjectures. En tout état de cause, la prise de la ville de Talataye par EIGS, au-delà du Mali, est un mauvais signal et une mauvaise nouvelle pour toute la sous-région, particulièrement pour le Burkina et le Niger qui partage une frontière commune avec le Mali, dans cette partie du continent. Car, si les terroristes s’activaient à se sanctuariser ostensiblement dans certaines localités, ces dernières peuvent facilement leur servir de base arrière pour leurs incursions meurtrières. Et il faut même craindre que la situation n’évolue de mal en pis dans cette zone des trois frontières où la violence reste endémique. C’est dire s’il y a véritablement péril en la demeure. Et qu’il faudra encore beaucoup d’efforts et de sacrifices pour venir bout de la bête impure. Quant au journaliste français, Olivier Dubois, qui totalise déjà 17 mois de captivité depuis son rapt à Gao en 2021 et dont les investigations avaient conduit les pas dans cette localité de Talataye, on ne peut qu’encourager les autorités maliennes et françaises à mettre les bouchées doubles pour obtenir sa libération. Ce, malgré les négociations souterraines dont sa famille a besoin de voir l’aboutissement pour être rassurée.
« Le Pays »