Abuja, la capitale du Nigeria, a accueilli le 60e week-end dernierEt Sommet ordinaire des chefs d’État et de gouvernement de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Outre les transitions du Mali et de la Guinée à l’ordre du jour du sommet, les dirigeants ouest-africains ont examiné les questions de réforme pour rendre l’institution sous-régionale plus efficace, sans oublier la situation sécuritaire et économique de la région. Pourrait-il en être autrement quand on sait que de nombreux pays de la sous-région, du fait de la pandémie de Covid-19, connaissent une terrible récession économique couplée à une crise sécuritaire qui a causé de nombreux déplacés ? Ce ne seront pas le Burkina Faso, le Mali et le Niger qui diront le contraire ; elles dont près des 2/3 de leurs territoires respectifs sont contrôlés par des groupes armés. Et ce n’est pas tout. Car certains pays côtiers comme la Côte d’Ivoire et le Bénin sont également entrés dans l’œil de la tempête terroriste. Pour toutes ces raisons donc, la situation sécuritaire ne pouvait être éclipsée par les chefs d’Etat de la CEDEAO, auxquels on reproche très souvent d’être prudents, préférant toujours jouer aux médecins après la mort. C’est pourquoi de nombreux observateurs ont applaudi l’annonce de réformes visant à donner un nouvel élan à la CEDEAO. Mieux vaut tard que jamais, pourrait-on dire. Car, il faut le dire, certaines crises sont nées du manque d’anticipation de l’institution ouest-africaine qui, si elle avait été volontariste, aurait pu éviter des drames.
On a l’impression que la CEDEAO est très limitée dans son processus décisionnel
C’est le cas par exemple de la Guinée où à part Mahamadou Issoufou, alors président du Niger, aucun chef d’Etat n’avait osé lever le petit doigt pour tirer les ceintures d’Alpha Condé qui, au terme de ses deux mandats, croyait lui-même investi d’une mission messianique au point de refuser de faire valoir ses droits à pension. On sait la suite, puisqu’il est renversé par les militaires, ouvrant la voie à une transition politique en Guinée. D’autre part, n’est-ce pas peut-être pour cette raison que la CEDEAO est moins intransigeante envers les putschistes guinéens que ceux de Bamako qui, en plus d’être des récidivistes, ne suggèrent aucune clarté dans leur action qui conduira à la fin de la transition? La preuve, pour ceux qui en doutent encore, vient de la donner avec cette lettre adressée aux dirigeants d’Afrique de l’Ouest par le colonel Assimi Goïta qui, tout en se demandant des indulgences, s’engage à fournir un chronogramme détaillé des élections au plus tard au-delà 31 janvier 2022. Il justifie ce retard par la nécessité pour les Maliens de se retrouver sous l’arbre du bavardage pour « crever l’abcès de certaines blessures ». C’est donc clair ! Assimi Goïta et compagnie souhaitent que la transition dure le plus longtemps possible. Sera-t-il entendu ? On attend de voir. En tout cas, très souvent, on a l’impression que la CEDEAO est très limitée dans son processus décisionnel en raison de considérations culturelles ou subjectives qui semblent gêner certains de ses membres. Personne ne veut critiquer ou dire ses quatre vérités à un homologue qui s’écarte du droit chemin. Nous ne voulons pas non plus lui faire de mal car nous avons les mêmes ambitions de pouvoir. Tout cela ne fait qu’encourager certains dirigeants dans leurs dérives totalitaires. D’où la nécessité pour la CEDEAO de se montrer très audacieuse dans la conduite de réformes de grande envergure afin qu’elle puisse prendre, le cas échéant, des mesures coercitives contre les dirigeants prêts à tout, y compris marcher sur eux, les cadavres de leurs concitoyens pour rester au pouvoir . C’est à ce prix que nous pourrons faire de l’institution de l’Afrique de l’Ouest un instrument au service des peuples.
Boundi OUOBA