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VISITE DU PRÉSIDENT GHANESE AU BURKINA FASO : Quand Nana Akuffo Addo se rend à Canossa

« Tout d’abord, il y a une question que je veux mettre sur la table de toute urgence. Aujourd’hui, des mercenaires russes sont à notre frontière nord. Le Burkina Faso a conclu un accord pour suivre le Mali et utiliser les forces de Wagner sur son territoire. Je crois qu’on leur a attribué une mine dans le sud du pays en guise de paiement pour leurs services. Le premier ministre du Burkina est à Moscou depuis dix jours. Le fait que ces mercenaires opèrent de l’autre côté de notre frontière est particulièrement douloureux pour nous, au Ghana. Tels sont les propos tenus par le président ghanéen Nana Akufo-Addo en décembre dernier à Washington, en marge du sommet États-Unis-Afrique, lors d’une rencontre avec le secrétaire d’État américain, Anthony Blinken. Ces propos en ont surpris plus d’un et ont failli jeter une douche froide entre Accra et Ouagadougou, accusée, sans preuve tangible, de sous-traiter sa sécurité à un groupe paramilitaire à la réputation sulfureuse.

La visite du grand chef ashanti sur les rives du Kadiogo tend à démontrer qu’au-delà de ses propos polémiques, le Burkina reste un pays que l’on peut visiter.

Cependant, les autorités burkinabés ont rejeté ces accusations après avoir formellement démenti que le groupe paramilitaire russe Wagner ait reçu une mine en échange de ses services dans la lutte contre le terrorisme. Moins de cinq mois après ces propos controversés, le dirigeant ghanéen s’est rendu à Ouagadougou pour une visite d’amitié et de travail avec son homologue burkinabé, le capitaine Ibrahim Traoré. Au menu des échanges, des sujets d’intérêt commun, mais aussi en rapport avec le défi sécuritaire auquel sont confrontés les pays de la sous-région ouest-africaine. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce voyage du président ghanéen à Ouagadougou ne manque pas d’intérêt. Et c’est une visite qui réjouit avant tout parce qu’elle traduit une volonté de rapprochement entre deux voisins qui doivent se donner la main pour combattre l’ennemi commun. Si elle ne reflète pas « l’excellence des relations entre les deux pays », selon la formule, elle témoigne au moins d’une volonté de renforcer l’axe Accra-Ouaga dans le cadre de la lutte contre le terrorisme qui maintient les pays de la sous-région dans la tension depuis plusieurs années. En tout état de cause, la visite du chef ashanti sur les rives du Kadiogo tend à montrer qu’au-delà de ses propos controversés, le Burkina reste un pays visitable. Si ce n’est pas une façon de battre sa coulpe, cela en a tout l’air. En d’autres termes, c’est un moyen comme un autre pour le leader anglophone, qui avait déjà envoyé une mission diplomatique à Ouagadougou, de se racheter, à défaut d’aller à Canossa. Mais ce faisant, le chef de l’État ghanéen fait preuve d’une largesse d’esprit qui lui permet de faire la paix avec son voisin du Nord.

La logique de belligérance doit céder la place à l’entente cordiale

En revanche, il faut saluer la hauteur de vue des autorités burkinabé qui ont su garder leur calme et recevoir leur hôte du jour avec tous les honneurs dus à son rang. Cela n’est pas surprenant si l’on sait qu’après ces accusations déplorables qui auraient pu mettre le pays des Hommes intègres à la merci de la communauté internationale, les autorités de transition ont su jouer le jeu pour ne pas envenimer les relations entre les deux pays liés par l’histoire et la géographie, et aujourd’hui engagés dans le même combat contre l’hydre terroriste. Pour preuve, cette visite du locataire du Flag Staff House à Accra intervient dans un contexte où le Ghana a déployé un millier de soldats à sa frontière avec le Burkina Faso, pour tenter de contenir la menace terroriste qui se manifeste de plus en plus aux confins de ses frontières territoriales. C’est dire la nécessité de dissiper les nuages entre les deux capitales, afin d’ouvrir la voie à la possibilité d’une mutualisation des forces qui reste, aujourd’hui plus que jamais, l’une des solutions pour réduire considérablement la taille de la pieuvre tentaculaire qui profite souvent de la porosité des frontières pour faire sa sale besogne. En tout état de cause, dans l’état actuel des choses, aucun pays, pris isolément, ne peut vaincre seul le terrorisme. Cela signifie que la logique de belligérance doit céder la place à l’entente cordiale, pour nous donner les meilleures chances de vaincre un phénomène aussi pernicieux que dur. Un monstre qui se présente, aujourd’hui plus qu’hier, comme l’ennemi commun des pays de la sous-région ouest-africaine, où il s’est enraciné dans les pays de l’hinterland, pour nourrir ses visées expansionnistes dans les pays de la côte atlantique. Il y va de l’intérêt de tous.

« Le pays

*Voyage à Canossa : se soumettre aux injonctions de l’adversaire, s’humilier

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