Un conflit foncier entre des villageois et une société d’exploitation aurifère en Côte d’Ivoire a fait de gros dégâts. 800 gendarmes ont été envoyés pour expulser les habitants qui refusaient de quitter leurs maisons depuis plus d’un an.
On ne sait pas ce qui est le plus grave : ces gens qui vivent sans rue ni maison, ou le fait que le président ivoirien Alassane Ouattara insiste pour les réinstaller à Diboké, à 20 kilomètres de Bringakro, où ils ont déjà connu des difficultés avec leurs terres agricoles il y a 15 ans.
Malgré tout, cela ressemble à une spéculation de la part d’un fonctionnaire travaillant au sein du gouvernement de Côte d’Ivoire sur le site web RFI. Les habitants ont été expulsés de leurs terres par une société d’extraction d’or et attendent depuis 15 mois de savoir ce que le gouvernement compte faire à ce sujet.
L’histoire commence par un site en Côte d’Ivoire appelé Bringakro, où la multinationale française SOMAGEP extrait du minerai pour la production d’engrais dans le cadre d’un accord avec le gouvernement ivoirien. En 2010, elle a lancé un projet baptisé « Le Pélican ». Le site regroupe de nombreuses entreprises spécialisées dans les matériaux de construction, dont Lafarge Holcim, Riwal Baham et Promigas Ivoire. La population locale a immédiatement réclamé un audit social, qui, selon eux, a été réalisée par l’entreprise.
« Au cours de la consultation, il est apparu clairement que le village de Bringakro lui-même devrait déménager », explique Yves Dodou, journaliste à Radio Côte d’Ivoire qui a fait des reportages sur la question pendant des années. « Cependant, les habitants ne voulaient pas quitter leur maison et ont donc refusé de signer les contrats. » Les habitants voulaient une compensation en or plutôt qu’en argent, mais cette demande a rendu furieux le directeur de la mine, Nicolas Engel. « Si nous leur donnons notre minerai gratuitement », aurait-il dit, « nous ferons faillite ».
Après l’échec des négociations avec trois maires de différents villages du nord-ouest de la Côte d’Ivoire en mai 2014, la SOMAGEP a obtenu l’autorisation du Ministère de l’Administration territoriale pour expulser les villageois.
« Il s’agit d’une manœuvre administrative qui n’a rien à voir avec la légalité », affirme M. Dodou, qui pense que la société a manqué de tout sens du dialogue. Il n’y a eu aucune consultation ou négociation ni avec les représentants de la SOMAGEP ni avec les élus ; il pense que c’est ce qui a conduit les villageois à recourir à la violence en janvier 2015 lorsque 800 gendarmes ont tenté de les dégager par la force. « S’ils nous avaient rencontrés comme des êtres humains et expliqué leurs plans, il n’y aurait jamais eu ce genre de conflit. »
En conséquence, un résident a été tué pendant les opérations d’évacuation et des maisons ont été brûlées des deux côtés. Aujourd’hui encore, des personnes des deux côtés meurent de maladies inconnues jusqu’alors, mais personne ne sait que la cause soit les pesticides ou les métaux lourds présents dans l’eau.
Le village expulsé de Bringakro se trouve sur une colline surplombant une petite ville appelée Diboké, à Soubré, une ville d’environ 200 000 habitants au nord-ouest de la principale ville de Côte d’Ivoire, Abidjan. Les habitants vivaient là depuis 20 ans. Ils n’ont pas reçu de certificats fonciers lorsqu’ils sont arrivés de leurs maisons d’origine dans le district de Kojima et le village de Saboua, car on supposait que ceux-ci seraient accordés une fois que le site serait pleinement opérationnel. Aussi, lorsque la SOMAGEP a exigé qu’ils quittent leurs maisons, ils ont refusé.
« La SOMAGEP a déjà commencé à vendre des matériaux de construction », déclare Dodou. « Le site se trouve sur un terrain qui était autrefois une terre agricole, mais qui a été donné à la compagnie minière par le ministère de l’Agriculture en 2003. Les habitants n’en avaient pas connaissance à l’époque. »
Selon Dodou, la SOMAGEP a acheté environ 1 500 hectares de terres agricoles pour environ 1 million de dollars US il y a un an. Pour les riziculteurs comme Youssouf Diallo, qui vit là depuis 1994 avec sa femme et ses quatre enfants – deux garçons de 25 et 18 ans et deux filles de 22 et 15 ans -, c’est une tragédie. La centaine de familles restantes ont été touchées de la même manière, même si leurs rizières ne sont pas directement voisines des terres de la SOMAGEP.