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JEAN Monique, la première femme chef de village de Danané, se dévoile (Interview)

A 61 ans, JEAN Monique est la première femme chef de Guialopleu, un village aux portes de Danané. Elle a été intronisée Chef du village de Guialopleu le 25 novembre 2021 à Danané – Guialopleu selon les us et coutumes par un tribunal de notables. Quatrième souveraine de sa lignée, Jean Monique nous a accordé une interview dans laquelle elle présente un nouveau style de chef axé sur la promotion des droits des femmes et le développement d’une localité isolée.

JEAN Monique, première femme chef de village à Danané : « Je demande aux politiques de se débarrasser de la chose sacrée »

Dans la « cité des ronces » (Danané), vous êtes une figure emblématique du chef tribal traditionnel. Comment vous présentez-vous ?

Je suis Jean Monique, fille de Guialopleu, un village que la ville de Danané a atteint en raison du développement. Ma grand-mère et son frère aîné étaient les deux fondateurs de ce magnifique village. Au départ, c’était un camp de deux huttes. Je suis né quand ils étaient à sept carrés l’un de l’autre.

Je fais partie de la première promotion des filles de l’école catholique de Danané. Professionnellement, j’ai été assistant de service au CHU de Cocody avant de travailler au port d’Abidjan où je suis resté jusqu’à ma retraite en 2020.

Comment êtes-vous devenu chef de village ?

La transmission du pouvoir dans le pays DAN se fait par lignage. Ma grand-mère avait 4 filles et mon grand-père avait 3 fils. Quand le côté du grand-père s’est épuisé, il fallait voir le côté de ma mère. Quand mon cousin est mort du côté de mon grand-père qui régnait sur le pays, selon les coutumes et les traditions, mon tour était venu.

En tant qu’aîné des enfants de ma mère, la succession au trône m’est venue naturellement. De plus, portant le nom d’un homme, je me voyais inquiet pour la chefferie de Guialopleu. Ainsi le tribunal des notables m’a installé en novembre 2021.

Qu’est-ce qui vous a motivé dans ce choix difficile ?

Quand nous allions à l’école et que nous connaissions la Côte d’Ivoire naissante où votre localité croupit sous le poids de la misère des maisons, nous ne pouvions qu’être animés par cette sorte de révolte intérieure.

« Les droits des femmes sont bafoués par les hommes… »

Ici nos femmes continuent de mourir en couches faute de dispensaire, manque d’eau courante et d’électricité et de routes balisées sont autant de choses qui m’ont amené à monter sur le trône. Mon combat est la promotion des femmes et le développement de Guialopleu.

Notre village manque du minimum pour vivre. L’eau courante est une denrée rare. Les droits des femmes sont bafoués par les hommes qui refusent de lui accorder un rôle de premier plan dans la famille. C’est peu dire que Guialopleu ne profite pas encore de sa proximité avec la ville. C’est choquant.

Quelle relation entretenez-vous avec vos électeurs ?

Je suis souverain sur tout le pays de Guialopleu et donc sur tous les habitants. Vous ne pouvez pas être aimé à cent pour cent. Je suis conscient de cela.

C’est pourquoi je m’efforce de régner dans la justice et l’équité. De cette façon, il me protège de toutes les menaces de mon pouvoir.

Quel était le regard du chef et celui du chef de canton ?

Guialopleu appartient à la tribu Sahaleu. Après mon intronisation, le chef tribal Welo Mathurin m’a surnommé. Il doit transmettre l’information à sa hiérarchie qui est le chef du canton. Je suis d’accord avec. Le chef de district m’a personnellement félicité pour ma détermination à accéder au sacré.

Dans ce milieu d’hommes, quelles sont vos relations avec les autres chefs ?

Nos relations sont excellentes. Au début, il y avait une sorte d’hésitation à s’intégrer, mais plus tard ils ont compris qu’ils devaient s’aligner sur le choix de la population de Guialopleu. Depuis lors, ils m’ont exprimé leur respect. Et ça se passe bien.

Votre montée au pouvoir en tant que chef traditionnel de Guialopleu envoie-t-elle un message aux femmes ?

Absolument ! La femme mûre partout dans le département de Danané doit comprendre qu’il est temps de briser le silence. Son émancipation doit s’étendre à tous les niveaux.

Quelle que soit la manière dont la succession lui arrive, quels que soient son rang social et sa confession, elle doit se l’approprier.

« Que le Ministre Diomandé Vagondo nous aide à terminer la maison des chefs coutumiers de Danane »

Je crois que la femme de la campagne est aussi intelligente à conduire qu’un homme. On dira que le milieu est impénétrable ou plein de mystères, mais c’est Dieu qui l’établit.

Qu’en est-il des pouvoirs coutumiers manipulés par des cadres ou des politiciens ?

La question vaut son pesant d’or. Au Tonkpi en général c’est devenu une épidémie. Faire exploser un vêtement coutumier au profit d’un militant ou d’une personne manipulable.

Le sacré est constamment méprisé malgré la loi sur le chef traditionnel et le mode de désignation du chef. Ce qu’il faut faire ? Je pense que nos préfets et sous-préfets doivent savoir lire la loi et l’appliquer pour mettre de l’ordre dans ce gâchis.

Aux politiciens de la région du Tonkpi, je leur demande de se débarrasser de la chose sacrée. La politique est un métier comme le chef traditionnel.

Que chacun fasse son travail et s’immisce dans les affaires des autres. Nos électeurs souffrent des intrusions constantes des politiciens dans la chefferie. Cela doit cesser !

Quel est votre dernier mot ?

Je voudrais m’adresser au ministre de l’intérieur et au gouvernement ivoirien. Le chef tribal traditionnel de Danané a du mal à faire de l’exercice. Nous peinons sur des motos-taxis sur des routes impraticables.

Nous risquons nos vies juste pour décharger nos concitoyens du règlement des différends. Nous avons besoin de badges pour nous identifier, les machines (motos ou voitures). Tout cela améliorera nos conditions de travail dans le département.

Il y a aussi la maison des patrons réguliers de Danané dont le travail s’éternise. J’ai hâte que le Ministre Diomandé Vagondo nous aide à terminer cette maison pour que nous puissions accéder rapidement à nos bureaux.

Entretien Sony WAGONDA.

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