Ces dernières années, le centre du Mali a été le théâtre d’une série de massacres et de tueries touchant les populations civiles de cette partie du pays. Parmi ceux-ci, on se souvient encore des deux crimes de masse odieux commis (en 2019 et 2020) à Ogossagou, dans la région de Mopti. Le bilan de ces massacres est très lourd : plus de 200 morts et plusieurs dizaines de blessés. Ces crimes, enregistrés à Ogossagou et dans d’autres localités du centre et du nord du pays, ont souvent été commis dans des zones où la Minusma était présente. Cela a parfois provoqué la colère et des interrogations de la population locale sur l’utilité de la présence des forces de maintien de la paix dans notre pays.
Depuis le dernier semestre 2018, on assiste à une détérioration sans précédent de la situation humanitaire dans le centre du Mali.
Dans la région de Mopti, l’augmentation des violences intercommunautaires et la présence de groupes armés ont entraîné une crise de protection. Les meurtres et mutilations, les enlèvements, les kidnappings d’enfants pour des raisons de sécurité, les attaques et menaces contre les écoles et les enseignants, et les violences sexuelles et basées sur le genre sont des préoccupations croissantes à Mopti.
Le vendredi 14 février 2020, Ogossagou a encore été frappé par une attaque d’une rare violence. Bilan : plus de 30 morts et de nombreux blessés.
Ce déchaînement meurtrier fait suite à un autre attentat (toujours à Ogossagou) qui a fait plus de 174 morts.
L’attaque d’une trentaine d’hommes armés dans la nuit de jeudi à vendredi a été facilitée par le retrait de l’arme quelques heures plus tôt, a expliqué le chef du village. La commune a été partiellement incendiée, selon Aly Ousmane Barry. Des vivres ont été détruits et du bétail a été emporté, selon des témoins oculaires.
Dans un communiqué de presse, le gouvernement a condamné ces atrocités : « En cette douloureuse circonstance, le gouvernement condamne avec la dernière énergie cet événement malheureux, présente ses condoléances les plus attristées aux familles des victimes et les rassure que des enquêtes seront menées pour déterminer les circonstances de ces crimes et pour arrêter et traduire les responsables devant les juridictions compétentes.
Pour sa part, la MINUS a appris que le village d’Ogossagou dans le cercle de Bankass, dans la région de Mopti, a été attaqué : l’attaque a fait de nombreux morts et blessés parmi les villageois. Des maisons ont également été détruites.
Dans le cadre de son mandat de protection des civils, la MINUSMA a déployé une force de réaction rapide sur les lieux de l’attaque. En soutien au gouvernement malien, la mission de l’ONU a également fourni un appui aérien pour prévenir d’autres attaques et pour évacuer rapidement les blessés », explique la mission de l’ONU au Mali.
Pour rappel : le 23 mars 2019, une attaque d’hommes armés contre le village peulh d’Ogossagou a tué au moins 174 civils.
L’année dernière (mars 2019), le village d’Ogassagou-peulh, dans la commune de Dialassagou (région de Mopti), a été le théâtre de graves atrocités qui ont fait de nombreuses victimes. Selon une estimation, plus de 174 personnes ont été tuées et autant blessées. De nombreuses pertes matérielles ont également été signalées : cases brûlées, granges détruites, enclos à bétail détruits, etc.
Dans la matinée du 23 mars 2019, cette paisible localité peule a été envahie par des assaillants armés. Dans leur furie meurtrière, ils ont tiré sur tout ce qui bougeait. De nombreuses victimes étaient des femmes et des enfants. Un important imam local, Baba Skou Issa, a été tué avec toute sa famille. L’atrocité a également fait des dizaines de blessés, dont certains ont été évacués vers Bankass et Dialassagou. L’attaque a également visé un camp de DDR où étaient rassemblés des éléments appartenant à une milice privée.
Aveu de puissance ou manque de volonté ?
D’aucuns ont souligné la situation complexe dans laquelle le Mali s’est trouvé au cours de la dernière décennie, marquée par la présence de groupes terroristes extrémistes dont les attaques constituent toujours un véritable défi pour le pays. Dans ce contexte, la communauté internationale, à travers la mission de l’ONU et/ou Barkhane, Takuba, se devait de continuer à apporter au Mali, en fonction de ses besoins et conformément aux principes de la Charte des Nations Unies, tout le soutien et l’assistance technique dont il avait besoin pour restaurer et assurer la stabilité et la sécurité des populations civiles.
Pour l’expert des droits de l’homme de l’ONU, M. Tine s’est également inquiété de l’impact dévastateur que la crise et le conflit ont continué à avoir sur les populations civiles pendant la période couverte par son rapport, la Minusma rapportant que le nombre de civils tués est passé de 584 en 2021 à 1277 en 2022, tandis que le nombre de cas de violences basées sur le genre est passé de 9540 cas en 2021 à 14 264 en 2022.
En termes de recommandations, Tine a exhorté le Mali et la communauté internationale à repenser leurs réponses à la crise multidimensionnelle à laquelle le pays est confronté, en se concentrant sur des stratégies intégrées qui assurent la sécurité humaine, le développement et le respect des droits de l’homme. Il a souligné l’importance pour la communauté internationale de maintenir et de renforcer ses liens avec le Mali, car assurer la sécurité du Mali, qui est au cœur de la menace terroriste, c’est assurer la sécurité régionale.
En clair, les casques bleus se sont toujours contentés du rôle de médecin après la mort et ont même eu du mal à assurer la sécurité de leurs contingents. Depuis 2018, le Mali a connu une augmentation des crimes de guerre et des violences contre les civils, notamment dans les régions centrales (Mopti et Sgou). Malgré les engagements et l’ouverture d’enquêtes, justice n’a toujours pas été rendue aux victimes et/ou à leurs familles, et l’impunité règne toujours », écrit Amnesty International dans son rapport publié le 13 avril 2021.
Le rapport de 64 pages d’Amnesty International, intitulé Mali. Des crimes sans coupable : analyse de la rponse judiciaire aux crimes dans le Centre du Mali, fait le point sur les enquêtes menées sur un certain nombre de crimes commis dans le centre du Mali depuis 2018 et identifie les différents obstacles institutionnels et juridiques qui contribuent au déni de justice et de vérité pour les victimes.
Malgré les engagements des autorités maliennes et de la Minusma, plusieurs enquêtes judiciaires, comme celles sur les meurtres d’Ogossagou et de Sobane Da, ont peu progressé ou sont au point mort, alors que les victimes continuent de réclamer justice, craignant des représailles en l’absence de mesures de protection.
Plusieurs enquêtes sur des massacres intercommunautaires emblématiques ou des conflits relatifs à des crimes commis depuis 2018 sont au point mort. C’est notamment le cas des enquêtes sur les exécutions illégales et les exécutions extrajudiciaires, dont certaines constituent des crimes de guerre, commises à Ogossagou (157 personnes tuées en mars 2019 et 35 en février 2020), Sobane-Da (35 personnes tuées en juin 2019), Nantaka (25 personnes tuées en juin 2018), Massabougou (9 personnes tuées en juin 2020), Bindama et Yangassadiou (respectivement 37 et 15 personnes tuées en juin 2020).
En somme, face à l’absence de résultats sur le terrain, les autorités de transition ont finalement demandé le retrait des soldats de l’ONU sur notre territoire.
Mohamed Sylla