Suite au dernier rapport trimestriel du Secrétaire Général des Nations Unies sur la situation au Mali, couvrant la période du 4 octobre au 29 décembre 2022, le gouvernement a produit un mémorandum pour apporter quelques clarifications. Dans son mémorandum, le gouvernement a commenté le niveau politique, la mise en œuvre de l’accord de paix et de réconciliation au Mali issu du processus d’Alger, le niveau de sécurité et la situation des droits de l’homme.
Le rapport du Secrétaire général des Nations Unies montre une réduction de 58% des violations des droits de l’homme par rapport à la période précédente, commises dans les régions du centre et du nord. Le gouvernement affirme que 172 allégations documentées par la MINUSMA ont été attribuées, selon le rapport, à des groupes terroristes (121), aux FDSM (26), à des groupes armés non identifiés (13), à des groupes armés signataires (08) et à des milices (04).
En ce qui concerne les cas attribués par le rapport aux FDSM, le gouvernement regrette que le Secrétaire général ne fournisse aucun détail sur les lieux, les dates et les victimes de ces incidents.
»Le gouvernement du Mali rejette donc ces allégations et rappelle que les forces maliennes sont bien équipées en matière de droits de l’homme et de droit international humanitaire », peut-on lire dans le mémorandum.
En outre, en réponse à la préoccupation du Secrétaire général selon laquelle »les parties prenantes maliennes ont exprimé des réactions différentes au processus et au contenu du projet de Constitution », le gouvernement malien rappelle que ces réactions contribuent au renforcement de la démocratie et de la liberté d’expression.
Enfin, le gouvernement est favorable à une posture offensive de la MINUSMA dans l’accomplissement de son mandat, notamment en appui aux autorités maliennes dans le cadre de la restauration de l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire, de la protection de la population civile et du soutien de la MINUSMA à la mise en œuvre de l’Accord. Nous vous proposons le texte intégral du mémorandum du gouvernement.
Introduction
Le Gouvernement de la République du Mali a pris note du rapport trimestriel du Secrétaire général sur la situation au Mali, conformément aux dispositions de la résolution 2640 (2022) sur le mandat de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA).
En tant que commentaire général, le gouvernement du Mali se félicite de l’approche du Secrétaire général qui, tout en reconnaissant les défis auxquels le processus de paix est confronté, souligne les progrès réalisés par les autorités de transition dans les domaines politique, sécuritaire, institutionnel et des droits de l’homme ainsi que dans la mise en œuvre de l’Accord.
En particulier, le rapport demande au gouvernement les observations suivantes :
Au niveau politique
Le gouvernement du Mali apprécie la reconnaissance par le Secrétaire général des progrès politiques réalisés au cours de la période examinée et des efforts en cours pour parvenir à un large consensus sur, entre autres, l’adoption de la nouvelle Constitution et certaines questions liées au processus électoral. Il s’agit notamment de la mise en place de l’Autorité indépendante de gestion des élections (IGA) et de la révision des listes électorales, des dispositions relatives au vote des personnes déplacées à l’intérieur du pays, des réfugiés et des forces de défense et de sécurité maliennes qui assureront la sécurité des élections, et de la création de bureaux de coordination de l’IGA dans les circonscriptions électorales.
Toutefois, en réponse à la préoccupation du Secrétaire général selon laquelle « les parties prenantes maliennes ont exprimé des réactions différentes au processus et au contenu du projet de Constitution », le gouvernement du Mali rappelle que ces réactions contribuent au renforcement de la démocratie et de la liberté d’expression.
C’est pourquoi, dans le cadre du processus de recherche d’un large consensus sur la nouvelle Constitution, Son Excellence le Colonel Assimi GOITA, Président de la Transition, Chef de l’Etat, a mis en place une Commission chargée de la finaliser. La mission de la Commission est d’examiner et d’amender, si nécessaire, afin de produire et de soumettre une version amendée de l’avant-projet.
Dans le cadre de la mise en œuvre des recommandations de la Conférence nationale de refondation, le Président de la transition a nommé 26 nouveaux membres du Conseil national de transition, conformément au décret n° 2022-0427/PT-RM du 21 juillet 2022, qui fixe la répartition et la nomination des membres supplémentaires du Conseil national de transition.
Dans le cadre de la mise en œuvre de ces recommandations, l’organisation de la Conférence sociale du 17 au 22 octobre 2022 à Bamako, dans le but d’élaborer un Pacte de stabilité sociale.
La poursuite des actions de reconstruction au Mali restera la priorité du Gouvernement, notamment par l’adoption de stratégies nationales relatives à la dépolitisation de l’administration, la lutte contre la corruption et la dématérialisation des services publics, y compris la poursuite du projet de régionalisation.
Concernant le mécanisme conjoint de suivi de la transition avec la CEDEAO, le gouvernement malien reste engagé à travailler avec les acteurs maliens et l’organisation sous-régionale pour assurer le respect de l’échéance fixée pour la fin de la transition en mars 2024.
Par ailleurs, le Mali reste attaché à la préservation de ses relations séculaires d’amitié, de coopération et de bon voisinage. C’est dans cet esprit que Son Excellence le Colonel Assimi GOITA, Président de la Transition et Chef de l’Etat, a accordé une grâce totale aux militaires ivoiriens.
Sur la mise en œuvre de l’accord de paix et de réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger.
Malgré la décision des groupes signataires de suspendre leur participation au Comité de suivi de l’accord (CSA), le gouvernement malien continue d’agir pour accélérer sa mise en œuvre.
Conformément à cet engagement, le 18 octobre 2022, le gouvernement a adopté en Conseil des ministres le texte relatif au mandat de six mois de la Commission ad hoc chargée de résoudre les questions en suspens relatives à la chaîne de commandement au sein des forces de défense et de sécurité nationales et à l’intégration des hauts fonctionnaires du mouvement civil dans les institutions gouvernementales. Cette Commission a été créée par une décision du 15 novembre 2022 pour commencer ses travaux.
Le DDR accéléré enregistre 1718 ex-combattants intégrés, dont 593 pour la CMA, 531 pour l’Inclusion et 594 pour la Plate-forme. Pour renforcer le processus de DDR, le gouvernement accélère la préparation du nouveau programme de DDR et de son plan d’action pour 2023-2027 et du programme d’inclusion et de son plan d’action pour 2023-2025.
Des missions techniques se sont rendues à Tombouctou, Gao et Ménaka pour évaluer la capacité des sites régionaux de DDR et la nécessité de les moderniser. Au 31 décembre 2022, le nombre de combattants enregistrés était de 74 918, dont 26 108 combattants avec des armes, 46 675 combattants avec des munitions, 30 775 combattants éligibles pour le désarmement et la démobilisation, et 44 112 combattants éligibles pour la réintégration.
Les opérations du Fonds de développement durable (FDD) se sont poursuivies à travers diverses initiatives visant à financer des projets et des programmes sélectionnés à cet effet.
En ce qui concerne la zone de développement du Nord (ZODERN), la stratégie élaborée à cet égard sert de référence au gouvernement et aux mouvements signataires.
En outre, nous notons que :
la signature d’un accord entre le gouvernement et la Banque mondiale pour prolonger le financement de la réintégration socio-économique de 900 femmes affiliées à des groupes armés jusqu’au 30 juin 2023 ;
la visite à Kidal le 21 novembre 2022 du Ministre en charge de la Réconciliation, le Colonel-Major Ismaël WAGUE, dans le cadre des consultations régulières avec les acteurs de la CMA.
Concernant la préoccupation exprimée par le Secrétaire général au sujet de la suspension de la participation des groupes signataires aux mécanismes du CSA, le gouvernement regrette cette décision et prend des mesures pour parvenir à un accord avec les groupes signataires pour la reprise effective des travaux du CSA.
Ainsi, une délégation malienne composée du ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale et du ministre de la Réconciliation, de la Paix et de la Cohésion sociale, en charge de l’Accord national pour la paix et la réconciliation, a effectué une visite de travail en Algérie les 15 et 16 janvier en tant que responsables de la médiation internationale.
Sur le front de la sécurité
Le Secrétaire général se dit préoccupé par la situation sécuritaire au Mali, qu’il juge complexe, marquée par les activités criminelles et indiscriminées des groupes Jama’at Nusrat al-Islämwal-Muslimin (JNIM) et État islamique dans le Grand Sahara (EIGS) contre les civils, les FDSM et la MINUSMA.
Comme le rapport précédent, le rapport ne donne aucune indication sur les efforts et les actions des FDSM dans le domaine de la sécurité territoriale et de la protection des civils, qui ont obtenu des résultats très encourageants grâce aux opérations de lutte contre le terrorisme, à la poursuite du maillage territorial et aux missions d’escorte des véhicules de transport de passagers et de marchandises, y compris les actions de sécurisation des frontières.
Cette posture offensive des FDSM a également permis la neutralisation de nombreux terroristes, la destruction de leurs sanctuaires, ainsi que la stabilisation de certaines zones et la protection des civils.
Les autorités maliennes ont également enregistré la reddition volontaire de plusieurs terroristes, notamment dans les régions de Douentza et de Mopti.
En termes de coopération avec la MINUSMA, le gouvernement du Mali se félicite du renforcement de la coordination au niveau opérationnel entre l’AMAF et la MINUSMA, y compris le soutien de la Mission à l’AMAF dans le cadre de sessions de formation au renforcement des capacités en matière de droits de l’homme et de droit international humanitaire.
En ce qui concerne la situation dans le Centre du pays, le Gouvernement du Mali se félicite de la reconnaissance par le Secrétaire général des réalisations des autorités dans le renforcement et l’accélération de la mise en œuvre de la Stratégie de Stabilisation des régions du Centre, qui a conduit à la réconciliation dans certaines parties de la région de Ségou, notamment entre les communautés de Dogofry et de Sokolo.
En ce qui concerne la restauration de l’autorité de l’État, contrairement aux chiffres fournis dans le rapport, la situation des postes vacants dans le Centre du pays, pour l’année 2022, est la suivante :
au niveau du cercle, 1 poste vacant sur 122 (1 préfet de Bandiagara) ;
au niveau de l’arrondissement, 3 postes vacants : Koula (Cercle de Tominian), Dinangourou (Cercle de Koro), Sah (Cercle Youwarou) ;
tous les postes de gouverneurs et de membres de cabinet (directeurs de cabinet, conseillers en affaires administratives et juridiques, conseillers en affaires économiques et financières et conseillers en sécurité et protection civile) sont pourvus.
Sur la situation des droits de l’homme
Le rapport montre une réduction de 58% des cas de violations des droits de l’homme par rapport à la période précédente, commis dans les régions du centre et du nord.
Il y a 172 allégations documentées par la MINUSMA, qui, selon le rapport, sont attribuables aux groupes terroristes (121), aux FDSM (26), aux groupes armés non identifiés (13), aux groupes armés signataires (08) et aux milices (04).
La plupart de ces violations et abus auraient été commis dans les régions de Bandiagara (72), Douentza (3), Mopti (4), Ségou (23), Gao (43), Ménaka (16) et Tombouctou (9).
En ce qui concerne les cas attribués par le rapport aux FDSM, le gouvernement regrette que le Secrétaire général ne fournisse aucun détail sur les lieux, les dates et les victimes de ces incidents. Le gouvernement du Mali rejette donc ces accusations et rappelle que les forces maliennes sont bien équipées en matière de droits de l’homme et de droit international humanitaire. Ces concepts sont enseignés aux recrues depuis la formation de base commune et sont développés au cours de toutes les sessions d’entraînement et des exercices de pré-déploiement sur les théâtres opérationnels. Pour assurer le respect de ces principes sur le théâtre des opérations, un détachement de prévôté est systématiquement désigné dans chaque groupement tactique, sous la supervision d’un magistrat militaire (ou d’un conseiller juridique) désigné à cet effet.
Les FDSM travaillent pour protéger la population et n’ont d’autre cible que les groupes terroristes armés et leurs complices.
Dans le cadre de la lutte contre l’impunité, la période sous revue a été caractérisée par la tenue régulière d’audiences criminelles et correctionnelles dans les tribunaux militaires de Bamako et de Mopti.
Cependant, le retard dans le traitement de certaines demandes est dû à la situation sécuritaire, aux problèmes de collecte et de préservation des preuves et aux défis liés au suivi régulier des victimes, des témoins et des auteurs présumés.
Les autorités maliennes restent déterminées à traduire en justice les auteurs d’actes terroristes, comme en témoigne l’ouverture d’un dossier au Pôle judiciaire spécialisé de lutte contre le terrorisme concernant l’attaque du 16 décembre 2022 à Tombouctou, qui a entraîné la mort de deux casques bleus du contingent nigérian, dont une femme, et blessé quatre autres personnes.
Le gouvernement travaille également sur une carte des abus présumés contre les FDSM de 2018 à aujourd’hui.
En ce qui concerne les groupes vulnérables, en particulier les enfants, le gouvernement rappelle la signature en 2013 avec les Nations unies du protocole d’accord sur le transfert des enfants associés aux forces ou groupes armés. L’engagement du Mali à mettre en œuvre ces dispositions se traduit par la remise systématique aux services de protection de l’enfance des enfants arrêtés dans le cadre des opérations.
En termes de justice et de réparation, le 15 novembre 2022, le président de la transition a promulgué des lois établissant des règles générales pour la réparation des dommages causés par de graves violations des droits de l’homme.
En particulier, les rapports de 14 enquêtes de terrain sur des cas emblématiques de violations flagrantes des droits de l’homme sont disponibles, et seront utilisés pour alimenter le rapport de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR) sur cette question.
Sur le plan humanitaire, le gouvernement reste préoccupé par la question et poursuit des actions et des programmes visant à offrir à la population affectée un meilleur cadre de vie, notamment par la fourniture de services sociaux de base, conformément à la Politique nationale d’action humanitaire.
Le gouvernement reste également convaincu que l’amélioration de la situation humanitaire est liée à la stabilisation du territoire. Aujourd’hui, grâce aux efforts des FDSM pour sécuriser le territoire et protéger les civils, combinés aux initiatives de réconciliation locale soutenues par les autorités locales, 695 598 personnes déplacées et 84 806 réfugiés maliens ont volontairement regagné leurs localités en août 2022.
Dans ce contexte, le nombre de personnes déplacées est passé de 442 620 à 412 387 d’octobre à décembre, soit une diminution de 30 233 personnes. Il y a 61 534 réfugiés et demandeurs d’asile au Mali (en décembre 2022).
Les engagements de la FDSM ont également permis la réouverture d’environ 10 % des écoles fermées pour cause d’insécurité.
En ce qui concerne ces derniers, l’enseignement à distance a été mis en œuvre pour assurer la continuité pédagogique dans les communautés touchées par l’insécurité par le biais d’Internet, de la radio, de la télévision et des supports physiques, selon que les communautés ont accès à l’un ou l’autre de ces moyens.
Sur la question des défis opérationnels de la MINUSMA, le Secrétaire général note qu’au 4 octobre 2022, 237 demandes de vols de la MINUSMA ont été refusées ou n’ont pas reçu de réponse des autorités maliennes.
Le Gouvernement du Mali note que sur ce point, la réunion de coordination Gouvernement/MINUSMA tenue le 1er août 2022 a permis de mettre en place une procédure pour une meilleure gestion de la rotation des contingents de la Mission. Ladite rotation se déroule actuellement à un rythme normal et mutuellement satisfaisant.
Cependant, le gouvernement du Mali regrette le manque de transparence et de réciprocité dans la coopération de la MINUSMA qui, malgré ses engagements, ne partage pas les informations et les données collectées par les drones de la Mission avec les autorités maliennes. Ces difficultés font l’objet d’échanges entre les deux parties.
Le Gouvernement demande à la MINUSMA de se conformer à la procédure convenue lors de la réunion du 15 novembre 2022 et aux conclusions de la réunion de coordination du 18 janvier 2023, au cours de laquelle il a été décidé de reprendre les vols de drones sous réserve que les conditions convenues soient remplies.
Conclusion
Les consultations menées dans le cadre de la revue stratégique de la MINUSMA ont permis au Gouvernement du Mali et aux Nations Unies de parvenir à un consensus sur la nécessité de poursuivre et de renforcer les efforts pour adapter et mieux articuler le mandat de la Mission, en tenant compte des priorités et des attentes exprimées par la partie malienne.
Dans cette perspective, le Gouvernement du Mali appelle à une posture offensive de la MINUSMA dans l’accomplissement de son mandat, notamment en appui aux autorités maliennes dans le cadre de la restauration de l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire, de la protection des populations civiles et du soutien de la MINUSMA à la mise en œuvre de l’Accord.
Le Gouvernement du Mali reste convaincu que, malgré la complexité des défis, la mise en œuvre diligente et constructive de l’Accord de paix reste le cadre valable pour ramener la paix et la stabilité dans le pays et contribuer à faciliter le retour de l’Administration, la fourniture des services sociaux de base et le retour des personnes déplacées et des réfugiés dans leurs lieux d’origine en toute sécurité et dignité.
Koulouba, 25 janvier 2023