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Le vendredi 16 juin 2023, le gouvernement du Mali a demandé le retrait immédiat de la MINUSMA lors de l’examen par le Conseil de sécurité du rapport trimestriel du Secrétaire général sur la situation au Mali. Vous trouverez ci-dessous le discours du ministre des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop.
⚫ Madame la Présidente,
⚫ Mesdames et Messieurs les membres du Conseil de sécurité,
Tout d’abord, je voudrais féliciter les Émirats arabes unis pour leur présidence du Conseil de sécurité.
Conseil de sécurité.
Le Gouvernement du Mali prend note du rapport du Secrétaire général en cours d’examen et le remercie pour son rapport.
El-Ghassim WANE, Chef de la MINUSMA, pour sa présentation et ses mises à jour. Les commentaires détaillés du Gouvernement du Mali figurent dans le Mémorandum.
communiqué à votre Conseil.
Pour ma part, je souhaiterais faire les principales observations suivantes.
Je voudrais commencer par la situation politique, et en particulier par l’avancement du processus de transition. Vous vous souviendrez que l’une des priorités assignées au gouvernement de transition était de réaliser des réformes politiques et institutionnelles qui garantissent un avenir meilleur à notre peuple à travers une stabilité institutionnelle durable au Mali. Cette demande légitime de nos compatriotes est en passe de devenir une réalité.
Dans le cadre d’une démarche inclusive et largement consensuelle, le gouvernement de transition a pris des mesures fortes et irréversibles pour rétablir un ordre constitutionnel serein et sécurisé dans les délais convenus.
Le gouvernement de transition s’engage à organiser avec succès le référendum, prévu le 18 juin 2023, pour doter le Mali d’une nouvelle Constitution, conformément aux aspirations profondes du peuple malien exprimées lors des Conférences nationales de refondation. L’aboutissement du processus de vulgarisation du projet de Constitution et de la campagne y afférente est de bon augure pour un référendum pacifique et crédible.
Madame la Présidente,
Concernant la situation sécuritaire, je voudrais vous rappeler une fois de plus que depuis l’intervention militaire en Libye en 2011, les populations de mon pays et celles de la région du Sahel vivent une véritable tragédie. Malheureusement, nos pays et nos peuples attendent toujours, et ce depuis plus d’une décennie, une réponse internationale à la hauteur de cette menace réelle et de ses conséquences humanitaires préoccupantes pour la région.
Pour ne parler que du cas spécifique de mon pays, je dois dire que les prescriptions internationales, notamment celles émises par la MINUSMA depuis sa création en 2013, ont clairement montré leurs limites. Comment expliquer autrement le fait que la situation sécuritaire au Mali en 2013 était bien meilleure qu’elle ne l’est aujourd’hui ? Le réalisme impose de reconnaître l’échec de la MINUSMA, dont le mandat ne répond pas aux défis sécuritaires du pays.
Pour sa part, le gouvernement de transition n’a jamais perdu de vue que la responsabilité première de la défense du territoire national et de la protection des populations et des biens incombe à l’Etat malien. C’est pourquoi il a privilégié le renforcement des capacités et l’équipement des Forces de défense et de sécurité maliennes pour leur permettre de remplir leurs missions régaliennes. Grâce à ce choix judicieux, nos Forces continuent de remporter des victoires décisives contre les groupes armés terroristes, reconnues et appréciées par le peuple malien. Je sais que la montée en puissance des Forces de défense et de sécurité maliennes a suscité beaucoup de commentaires, voire des campagnes hostiles de désinformation et de déstabilisation, dont le Mali fait malheureusement l’objet depuis 2021, y compris à travers l’instrumentalisation et la politisation de la question des droits de l’homme.
Je voudrais saisir cette occasion pour répondre à certains commentaires et déclarations concernant le rapport du Haut-Commissariat aux droits de l’homme sur les événements de Moura. Il est de notoriété publique que la ville de Moura et les villages environnants ont été assiégés par des organisations terroristes pendant de nombreuses années. Pendant cette longue période, aucune force, pas même les forces internationales déployées, n’a eu accès à la zone, abandonnant la population à son sort. Je me demande d’ailleurs où étaient les voix qui s’élevaient aujourd’hui, lorsque les terroristes infligeaient des traitements inhumains et dégradants à nos populations civiles sans défense, lapidant les femmes, brûlant les villages et les hameaux, emportant le bétail, comme dans le cas d’Ogossagou, de Sobane Da et de Diallassagou, pour n’en citer que quelques-uns.
Sur la base de renseignements fiables et précis montrant que les principaux chefs terroristes étaient présents à Moura pour collecter le produit de leurs rackets contre les populations et pour organiser et planifier des attaques de grande envergure, les Forces de Défense et de Sécurité du Mali ont décidé de mener une opération aérienne à la hauteur de cette menace, pour mettre fin aux souffrances de nos populations.
Les premières unités déployées par notre aviation, ainsi que les renforts, ont essuyé des tirs qui ont confirmé la présence des terroristes. Des affrontements ont eu lieu autour et dans la ville de Moura, permettant la neutralisation de 203 combattants terroristes, la saisie d’une grande quantité d’armes et de munitions, la destruction de plus de 200 motos, et l’arrestation de plusieurs terroristes présumés, qui ont été traduits en justice. Malheureusement, huit de nos braves soldats ont également été tués au cours de cette opération, qui a contribué à libérer la population du joug des terroristes.
Suite aux allégations d’abus, les autorités compétentes ont immédiatement ouvert des enquêtes. Une équipe des parquets de Mopti et de Bamako, accompagnée d’enquêteurs de la gendarmerie nationale, de la police technique et scientifique et d’un médecin légiste, a effectué un transport judiciaire sur les lieux. L’enquête se poursuit selon les procédures et les délais en vigueur. Les conclusions seront rendues publiques.
Le Gouvernement rejette fermement les conclusions du rapport biaisé du Haut Commissariat aux Droits de l’Homme. Nous voyons dans ce rapport dénaturé une réelle volonté de certains Etats d’utiliser notre Organisation commune pour nuire voire punir le Mali pour ses choix souverains. Mieux encore, quel crédit accorder à un rapport qui occulte le fait que les Forces de défense et de sécurité prennent pour cible les civils qu’elles protègent, conformément à leur mission ? De plus, le rapport inclut des images obtenues par des satellites à l’insu des autorités nationales, ce qui constitue de l’espionnage. Il faut être humble et comprendre que personne n’aime le Mali plus que les Maliens et personne n’aime les Maliens plus que les autorités maliennes.
Le gouvernement n’est pas le seul à rejeter les conclusions fantaisistes de ce rapport. De nombreux habitants de Moura, y compris des femmes, se sont rendus à Bamako pour démentir le contenu du rapport. Les témoignages des habitants de Moura, largement disponibles et documentés, confirment clairement les allégations infondées du rapport et, surtout, dénoncent les méthodes utilisées par les enquêteurs. Ces habitants ont témoigné que les forces armées maliennes ne visaient que les terroristes.
De même, et dès les premières accusations formulées en avril 2022 par certains Etats et organisations de défense des droits de l’homme, le Président de l’Association Tabital Pulaaku a catégoriquement rejeté certaines des accusations portées à l’encontre des forces maliennes, notamment les accusations de viols de femmes.
Par ailleurs, le Président de l’Association Malienne des Droits de l’Homme (AMDH) a vivement dénoncé la méthodologie et les conclusions de l’enquête.
Ces prises de position fortes et librement exprimées méritent d’être relevées car elles émanent d’organisations et de personnes ayant vécu les événements ou ayant reçu des informations crédibles et vérifiables à leur sujet.
Nous réitérons notre ferme opposition à toute tentative d’instrumentalisation et de politisation de la question des droits de l’homme et au traitement variable et arbitraire de cette question. A cet égard, il est paradoxal de constater la clarté avec laquelle la mission d’enquête a été mise en place au moment où, le 15 août 2022, le Mali déposait une plainte auprès du Conseil de sécurité de l’ONU pour des actes graves d’agression de la France contre la souveraineté et l’intégrité territoriale du Mali à des fins de déstabilisation.
Madame la Présidente,
Concernant l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger, malgré la décision unilatérale de la CMA et de la Plateforme de suspendre leur participation aux mécanismes de suivi de l’Accord, je voudrais réaffirmer l’engagement du Gouvernement à poursuivre sa mise en œuvre efficace et intelligente, notamment avec les Mouvements Inclusifs. Nous restons ouverts au dialogue avec nos frères des mouvements signataires, comme en témoigne la visite à Kidal, le 12 mai 2023, du ministre de la Réconciliation.
Madame la Présidente,
Mesdames et Messieurs les membres du Conseil,
Je dédie mon dernier commentaire important à la MINUSMA
Au moment où les membres du Conseil de sécurité ont entamé des négociations pour renouveler le mandat de la MINUSMA, je voudrais rappeler brièvement l’évolution de la Mission au Mali, depuis sa création jusqu’à aujourd’hui. Permettez-moi tout d’abord de rendre hommage à toutes les victimes civiles et militaires tombées au Mali.
En 2013, la raison d’être de la création de la MINUSMA était notamment d’aider les autorités maliennes à stabiliser la situation dans les régions du nord du Mali en identifiant les menaces et en prenant des mesures actives pour empêcher le retour d’éléments armés dans ces régions, en particulier par le rétablissement de l’autorité de l’État dans l’ensemble du pays.
Après plusieurs années de déploiement des forces de la MINUSMA sur le terrain, la situation sécuritaire, qui était au nord du pays, s’est progressivement détériorée dans les autres régions du Mali, notamment au centre.
Pour le gouvernement malien, le constat est clair : la MINUSMA n’a pas atteint son objectif.
La MINUSMA n’a pas atteint son objectif fondamental.
Aujourd’hui, les Maliens sont heureux de voir leurs Forces de Défense et de Sécurité assurer, en toute autonomie, les missions de sécurisation des personnes et des biens ; de lutte contre la criminalité, le grand banditisme, la traite des êtres humains et le trafic de drogue ; d’escorte des véhicules de transport ; de sécurisation des foires hebdomadaires dans les lieux sensibles ; ainsi que les missions de sécurisation des frontières, grâce au renforcement de l’outil de sécurité et de défense, selon la vision de Son Excellence le Colonel Assimi GOITA, Président de la Transition, Chef de l’Etat.
Le Mali est conscient que la lutte contre le terrorisme ne fait pas partie de la doctrine de maintien de la paix de l’ONU, mais a toujours appelé à un changement de posture de la MINUSMA pour lui permettre de remplir convenablement son mandat et d’appuyer les efforts du Gouvernement.
Le Mali a toujours coopéré de bonne foi avec les Nations Unies. Dans le cadre de cette approche constructive, nous nous sommes, par exemple, pleinement engagés avec le Secrétariat de l’ONU dans la revue à mi-parcours de la MINUSMA afin de renforcer les capacités opérationnelles de la force de l’ONU pour soutenir la stabilisation du Mali.
J’ai le regret de rappeler aujourd’hui que les options proposées par le Secrétaire général dans son rapport sur l’examen interne de la MINUSMA ne répondent pas aux préoccupations et aux attentes exprimées à plusieurs reprises par le gouvernement et le peuple maliens.
Nous n’avons pas d’autre choix que de nous rendre aux conclusions objectives de l’évaluation des 10 ans de présence de la MINUSMA, qui n’a pas apporté de réponses adéquates à la situation sécuritaire du Mali et dont les perspectives de continuation ne répondent pas aux besoins de sécurité du peuple malien.
Ni les propositions du Secrétaire général, ni le projet de résolution actuellement négocié par les membres de ce Conseil ne constituent une réponse adéquate aux attentes du peuple malien. Le contenu de ce projet de résolution est si hostile au Mali qu’il renforce la prétention de la France à en être le porte-parole.
Au-delà de la dimension sécuritaire, que nous assurons désormais avec nos propres moyens, nous attendions légitimement de la MINUSMA qu’elle soit une mission d’assistance et d’appui aux efforts du gouvernement. Malheureusement, la MINUSMA semble être devenue une partie du problème, alimentant les tensions intercommunautaires exacerbées par des allégations extrêmement graves qui portent gravement atteinte à la paix, à la réconciliation et à la cohésion nationale. Cette situation génère un sentiment de méfiance de la population malienne à l’égard de la MINUSMA et une crise de confiance entre les autorités maliennes et la MINUSMA.
perspective.
A la lumière de ce qui précède, le gouvernement du Mali exige le retrait immédiat de la MINUSMA. Cependant, le gouvernement est prêt à coopérer avec l’ONU dans cette tâche.
⚫ Madame la Présidente ,
⚫ Mesdames et Messieurs les membres du Conseil de sécurité,
Pour conclure, je voudrais exprimer la gratitude du Gouvernement et du peuple maliens à tous nos partenaires, tant bilatéraux que multilatéraux, qui nous aident à mener à bien l’important travail de reconstruction du Mali.
Le Gouvernement du Mali reste disposé à travailler avec des partenaires qui respectent sa souveraineté, ses choix stratégiques et les intérêts du peuple malien. Fidèle à sa tradition d’hospitalité, le Mali reste ouvert à tous les peuples du monde.
Nous vous remercions de votre attention.