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Mali : les chiffres d’une gouvernance stagnante : où va l’argent pour l’agriculture ?

20120521 24 L'aube 429 au 27 septembre 2023

Le Mali a l’un des taux de malnutrition aiguë les plus élevés d’Afrique de l’Ouest.

Avec 40 millions d’hectares de terres arables, la plus grande capacité d’irrigation de la région du Sahel (560 000 hectares) et 300 jours de soleil par an, le Mali doit se concentrer sur le secteur agricole pour lutter contre la malnutrition et la pauvreté.

De nouvelles politiques de développement agricole permettraient au pays d’anticiper l’impact prévisible du changement climatique sur la productivité du bétail et des cultures.

Bien que l’agriculture et l’élevage jouent un rôle important dans l’économie malienne, le pays présente des taux de malnutrition aiguë et de pauvreté parmi les plus élevés de l’Afrique rurale. En 2015, il était également classé 179e sur 188 pays dans l’indice de développement humain des Nations Unies. Ce paradoxe s’explique par la faible productivité du secteur agricole dans son ensemble.

Les forces de l’économie malienne résident dans les secteurs agricole, céréalier et cotonnier, ainsi que dans le secteur minier, dont le potentiel n’a pas encore été pleinement exploré et exploité. Le nouvel élan à donner aux entreprises est le levier du processus de transformation de l’économie par sa diversification, le développement des infrastructures de base et son industrialisation. Le Mali est traversé par deux fleuves principaux, le Niger, long de 4 184 km (le troisième plus long d’Afrique et le neuvième plus long du monde) et le Sénégal, long de 1 750 km. Le pays dispose d’importantes ressources en eau, avec un potentiel estimé à environ 148 milliards de m3, pour des besoins annuels estimés à 6,12 milliards de m3, soit seulement 4 % du potentiel. Le taux de renouvellement annuel est de 66 milliards de m3.

L’agriculture et l’élevage représentaient 37% du Produit Intérieur Brut (PIB) en 2015, ou 63% de l’emploi total (86% de l’emploi dans les petites villes de moins de 5 000 habitants), mais la productivité agricole reste très faible en raison de la prédominance de l’agriculture pluviale, de la dégradation des sols, des pertes élevées après récolte, du mauvais travail du sol et du manque d’investissements privés.

Où va l’argent pour l’agriculture ?

Avec ce potentiel, le Mali peut raisonnablement aspirer à devenir une puissance agricole (« le grenier de l’Afrique »). Et la volonté politique existe. Le Mali est l’un des rares pays africains qui consacre depuis plusieurs années 15% du budget de l’Etat au secteur agricole.

« Le Mali consacre environ 15-18% de ses dépenses publiques au secteur alimentaire et agricole, ce qui correspond à environ deux tiers du financement total (public-privé) de ces secteurs, alors que dans les pays qui ont réussi à transformer leur agriculture, le financement public ne représente qu’un tiers du financement total », a souligné Paul Noumba Um, directeur des opérations de la Banque mondiale au Mali, lors d’un séminaire qui s’est tenu le 9 décembre 2016 à Bamako.

En fait, 15-18% correspond à entre 300 et 540 000 000, selon les années et selon que le budget est fixé à 2 000 milliards ou 3 000 milliards. Avec 270 milliards, on peut acheter 27 000 tracteurs bas de gamme (c’est-à-dire de moins de 50 chevaux et le kit de travail du sol correspondant).

Cet engagement politique passe également par l’accélération des aménagements hydro-agricoles, l’amélioration du système de gestion de l’eau, le développement de l’investissement privé et la promotion des partenariats public-privé dans l’agro-industrie.

L’agriculture malienne est essentiellement pluviale. La saison des pluies dure entre 4 et 5 mois (mai – septembre). Le secteur agricole emploie 8 travailleurs sur 10, avec une prédominance des exploitations familiales et des troupeaux pastoraux. Le pays est également très sensible au changement climatique (baisse de 20% des précipitations en 40 ans) et a connu une succession de sécheresses depuis 1973.

Des chiffres à prendre avec précaution

Malgré ces contraintes, le Mali présente officiellement un bilan céréalier satisfaisant. Il est l’un des premiers producteurs de céréales d’Afrique de l’Ouest, notamment de riz, de maïs, de mil et de sorgho, avec une production de 10 millions de tonnes pour les campagnes agricoles 2018-2019 et 2020-2022, toutes céréales confondues.

Le Mali occupe la première place en Afrique pour la production de coton, avec 726 500 tonnes en 2018.

Cependant, le Mali ne sera pas autosuffisant sur le plan alimentaire, même en 2100, si des réformes ne sont pas mises en œuvre immédiatement.

Si l’on regarde les chiffres, le Mali a produit 2 millions de tonnes de riz paddy, soit environ 700 000 tonnes de blé cultivé sur 400 000 hectares avec un rendement de 5 tonnes/ha. Selon les statistiques de la Direction Nationale des Statistiques en 2006, les besoins étaient de 58 kilogrammes par personne et par an.

700 000 tonnes équivalent à 700 000 000 kilos, soit seulement 33,333 kilos par personne. Même en supposant que 50,1% des Maliens ont moins de 15 ans, et en ne prenant en compte que 15 millions de personnes sur 21,900 millions, on obtient 46,666 kilos par personne. Il y a encore un déficit, bien que certains analystes estiment un déficit de 70 ou même 80 kilos par personne et par an dans les zones urbaines du Mali.

Selon certains chiffres officiels, le riz est cultivé sur une superficie de 2 millions d’hectares. Si tel était le cas, le Mali n’importerait plus cette céréale, même avec un rendement de seulement 2 tonnes/ha.

Pour Ethel Sennhauser, directrice principale du pôle de compétence en agriculture de la Banque mondiale, qui s’est rendue à Bamako pour effectuer des visites de terrain et assister au séminaire, le 9 décembre 2016, à Bamako. « Transformer l’agriculture et l’élevage au Mali est un impératif qui permettra de répondre au double défi démographique et climatique. »

Ethel Sennhauser note que la demande en aliments de qualité ne cesse d’augmenter, en raison du fort taux de croissance démographique (+3,2% par an) et de l’urbanisation (+4,7% par an), alors que le taux de prévalence de la malnutrition aiguë dans le monde (estimé à 12,4% en 2015) était déjà supérieur ou proche du seuil « critique » de 10% entre 2011 et 2015. En outre, le Mali, comme d’autres pays d’Afrique de l’Ouest, est très vulnérable au réchauffement climatique, et sa production de maïs, de sorgho, de mil, d’arachides et de bananes devrait diminuer de manière significative (&gt ; 10%) d’ici 2050.

Selon un adage populaire, un Etat qui ne nourrit pas sa population n’est pas souverain. Les nouvelles autorités n’ont d’autre choix que d’investir massivement dans l’agriculture de précision, avec du personnel nouveau, pour obtenir des résultats probants d’ici 2027.

Des ressources inexploitées ou mal gérées

Sur le plan économique, le Mali dispose d’un potentiel minier exceptionnel. Selon la Banque de France, le pays dispose de près d’un million de km² de bassin sédimentaire, d’importants gisements de gaz et d’uranium, de plus de 2 milliards de tonnes de réserves de minerai de fer, de réserves de bauxite estimées à 1,2 milliard de tonnes et de réserves de manganèse de plus de 20 millions de tonnes. Avec 45,9 tonnes d’or produites, les exportations d’or ont rapporté 856,9 milliards de FCFA en 2018-2019, consolidant la position du Mali comme troisième producteur africain du métal jaune, après l’Afrique du Sud et le Ghana.

Dans le secteur pétrolier et gazier, les travaux ont révélé cinq bassins sédimentaires prometteurs. Enfin, il existe un potentiel important en matière d’énergies renouvelables (solaire, hydroélectrique, éolienne). Le Mali doit explorer les possibilités d’exploitation de ces ressources pour accroître leur contribution à l’économie.

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En matière de gouvernance, hormis une expérience démocratique prématurément avortée en 2012 et relancée un an plus tard, puis rectifiée à nouveau en 2021, et malgré les moyens colossaux mobilisés pour lutter contre la corruption, le bilan reste très mitigé. Selon le rapport du Baromètre mondial de la corruption-Afrique de Transparency International, le Mali s’est classé 122e au monde en 2017 et 120e en 2018 sur 180 pays en matière de lutte contre la corruption, et 20e sur 49 pays en Afrique. Ce score est en baisse par rapport à 2012, où le taux était de près de 6%. Pour le FMI, la gouvernance et la lutte contre la corruption restent problématiques au Mali. Selon le Worldwide Governance Indicators, la plupart des indicateurs de gouvernance du Mali ont baissé ces dernières années. Selon les citoyens maliens, la perception de la corruption publique au Mali est de 32/100 (zéro étant le score le plus bas). Il existe également une forte perception de la corruption dans le système judiciaire et de l’application arbitraire des lois et des contrats. Selon le Baromètre mondial de la corruption 2019, six Maliens sur dix estiment que la corruption a augmenté au cours des 12 derniers mois. Ils étaient la moitié en 2015.

Nous avons donc besoin d’une réponse nationale pour lutter contre la corruption au Mali. Il s’agit de mesures nécessaires, voire indispensables, douloureuses pour certains, coûteuses pour d’autres, mais sacrificielles pour tous, afin de ramener définitivement la gouvernance dans le cercle vertueux. L’objectif est de promouvoir la vertu, l’éthique et la déontologie.

La dégradation de l’environnement est le résultat d’une série de phénomènes complexes, d’une part climatiques (sécheresses, variabilité des précipitations qui ont fragilisé l’écosystème), et d’autre part liés aux activités humaines (forte pression démographique, systèmes de production extensifs et inadaptés, feux de brousse, etc. Selon la Direction Nationale des Eaux et Forêts (DNEF), plus de 100.000 hectares de forêts disparaissent chaque année.

Par ailleurs, les conditions de vie précaires des populations locales et leur manque d’implication dans la protection de l’environnement ont un impact sur la gestion durable des ressources naturelles. La forte croissance démographique (3,6%) exerce une pression considérable sur les terres arables et les ressources forestières. Les surfaces consacrées aux cultures pluviales tendent à augmenter, au détriment des écosystèmes naturels. L’agriculture est pratiquée de manière non durable. La priorité donnée à l’exploitation des ressources naturelles non renouvelables, notamment l’orpaillage, pourrait accroître les risques environnementaux associés.

Dans la dernière évaluation, le Mali n’a pas fait de réels progrès, sa note restant négative. Il est passé de 2 à 2,18.

Abdou Karim Dramé

Journaliste indépendant, analyste des questions de développement et des innovations, chercheur en stratégies de croissance accélérée.

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Révolution agricole : entre innovation et précision :

L’agriculture numérique au service de la planète

Depuis les trois dernières révolutions agricoles, les rendements ont augmenté au détriment de l’environnement. La quatrième révolution agricole vise à reconnecter les hommes à la terre tout en nourrissant une population toujours plus nombreuse.

Pendant trop longtemps, la terre a été considérée comme un simple outil de production. L’agriculture intensive et l’utilisation massive de pesticides ont créé une situation dangereuse pour notre survie. Depuis 40 ans, l’agriculture numérique promet de mettre la technologie au service d’un monde meilleur. Un monde où l’agriculture peut mieux nourrir une population croissante – nous serons près de 10 milliards en 2050 – grâce à une combinaison intelligente de technologies et de pratiques agricoles plus respectueuses de l’environnement.

Grâce aux mathématiques, aux capteurs, à l’analyse des bases de données et à l’internet, l’agriculture sera chirurgicalement précise et plus écologique.

L’agriculture de précision est au cœur de la quatrième révolution agricole, les capteurs de pointe permettant aux agriculteurs de détecter les anomalies dans leurs champs et d’y apporter des solutions appropriées.

En augmentant les rendements et en introduisant des pratiques agricoles durables, nous pouvons envisager l’avenir avec confiance…

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