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Mali :  »Ligne Assimi » – Info-Matin

Malgré le récit diffusé depuis plus d’un demi-siècle sur l’indépendance et le développement des pays africains, tout a été cyniquement planifié pour assurer leur assujettissement et leur exploitation par les pays colonisateurs. Comme la roue de l’histoire ne cesse de tourner, l’Occident est lui-même impliqué dans la tourmente provoquée par la révolte des peuples condamnés par lui à la pauvreté. Le Mali, qui est devenu l’épicentre et le symbole de la résistance à l’oppression, sera-t-il capable de maintenir le cap ?

REDISTRIBUTION DES CARTES
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, le monde a été divisé en zones d’influence. Cependant, la boulimie des pays occidentaux leur a fait oublier que toutes les guerres ne valent pas la peine d’être gagnées. En effet, dans la théorie des jeux, l’action nécessite une réaction. Le démantèlement de l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) en 1990 a conduit les États-Unis à nourrir le rêve quasi messianique de subjuguer le reste du monde. Les alliances d’intérêt se sont donc construites autour de la Russie et de la Chine, deux poids lourds sans colonies en Afrique, qui rêvaient de dépasser l’Occident militairement et économiquement. L’histoire a appris aux Russes que pour être libres, ils doivent rester militairement forts. De leur côté, les peuples d’Asie, notamment la Chine, autrefois considérés comme des pays arriérés, se sont transformés en véritables dragons économiques, utilisant leur organisation sociale et leur culture pour construire une société disciplinée et stable, capable de sacrifier et de surmonter les excès libertaires de l’Occident. En raison des ambitions hégémoniques de ceux qui préparent leur disparition depuis l’Ukraine et Taïwan, la Russie et la Chine se retrouveront dans une communauté de destin, entraînant avec elles les désillusionnés du système. Ainsi naîtront les BRICS, une alliance représentant plus de 53% de la population mondiale et 7 zones économiques : Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud. Lorsque l’OTAN a attaqué la Libye en 2011 pour neutraliser Kadhafi, tout le Sahel a été déstabilisé et il était clair que cette déstabilisation faisait partie d’une stratégie mondiale de contrôle des ressources minérales. Les potentats locaux soutiennent cette reconquête néocoloniale qui se fait passer pour une lutte contre les djihadistes et autres terroristes. Au Mali, l’expérience s’avérera être un échec pour la France.

L’AUDACE ET LA PRÉVOYANCE DU STRATÈGE
Le Mali souffre depuis plus de trente ans de la grande corruption et de l’incurie de ses dirigeants politiques, qui ont définitivement brisé le rêve de grandeur et de dignité insufflé par Modibo Kéita. Mars 1991 n’a été qu’un feu de paille, menant à la pire catastrophe de l’histoire politique du pays, avec la promotion de valeurs contraires. Les chiffres de la corruption sont stupéfiants et aucun secteur n’a été épargné. Le pluralisme a été brandi comme une preuve de l’existence d’une démocratie, mais il a été dépouillé de toutes les valeurs sur lesquelles une république est fondée. Les jeunes officiers militaires qui prendront le pouvoir en 2020 sont des hommes d’expérience qui ont subi les horreurs de la guerre dans le nord et les conséquences de la turpitude politique. Après une période de tâtonnements, Assimi Goïta a formé un gouvernement de commandos dirigé par Choguel K. Maïga, ce qui a surpris. En effet, la ligne souverainiste affichée sans ambiguïté a conduit à une rupture avec la France, qui a placé le Mali sur une liste rouge pour le priver d’investissements. Puis elle active les organisations sous-régionales (CEDEAO et UEMOA) qui semblent être des relais dociles pour asphyxier le Mali, auquel elle impose un embargo inhumain. Même la décision de la Cour de la CEDEAO ne changera rien. De son côté, la Côte d’Ivoire reçoit des opposants politiques et des pilleurs de fonds publics en fuite qui mènent des actions de déstabilisation depuis Abidjan. Jamais un pays de la CEDEAO n’a été soumis à une pression aussi forte et persistante de la part de Paris. Pendant ce temps, les anciens dirigeants timides tentent de manœuvrer de l’intérieur, mais finissent par se rabattre sur des blogueurs sauvages. Assimi reste inébranlable et renforce son partenariat avec la Russie et la Chine, qui répond au-delà de toute attente, au point que l’effet de contagion s’étend au Burkina Faso, tandis que la Guinée reste solidaire du Mali, créant une vague populaire régionale qui provoque l’insomnie dans de nombreux palais africains. Des réformes courageuses ont été lancées et des forces de défense et de sécurité mieux équipées et plus motivées sont entrées en action. C’est dans ce contexte que s’est déroulée, le 10 juillet 2022, l’affaire des 46 mercenaires, véritable cas d’école dont le traitement a permis de découvrir en Assimi Goïta un stratège exceptionnel et un véritable maître du jeu. On dit que « pour une âme bien née, la bravoure n’attend pas le nombre des années ». Quelle fierté pour le Mali et pour l’Afrique ! Modibo Kéita n’a pas semé en vain, même s’il a mis du temps à germer !
Le Mali joue désormais dans la cour des grands et ne peut se vautrer dans les labyrinthes fétides de la médiocrité. On peut légitimement parler de la « ligne Assimi », qui est une véritable ligne de démarcation fondée sur le refus de tout compromis et de toute réciprocité envers les partenaires étrangers. Le peuple malien, qui a parcouru un long chemin, doit en prendre soin comme si c’était la prunelle de ses yeux. Pourquoi ne pas en faire un principe de gouvernance du pays à tous les niveaux : respect de la souveraineté, respect des choix stratégiques et prise en compte des intérêts vitaux du Mali ?
Mahamadou Camara
Courriel : mahacam55mc@gmail.com

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