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Mali-Niger : les relations avec la France ne facilitent pas la reprise des actions militaires conjointes

C’est l’avis du Dr Aly Tounkara. Dans cet entretien, le chercheur évoque la visite du général Mody Salifou, chef d’état-major de l’armée nigérienne, à Bamako. Cette visite a été suivie par celle du chef des armées françaises à Niamey.

Simple coïncidence ? Quoi qu’il en soit, le rapprochement entre les deux pays voisins ne sera pas aisé, compte tenu de l’état des relations entre le Mali et la France, dont les soldats sont basés au Niger. Selon le chercheur, le Mali et le Niger sont des pays frontaliers où des groupes radicaux violents sont présents, surtout dans les zones frontalières. Le Dr Aly Tounkara rappelle que suite au différend diplomatique entre Bamako et Paris, Niamey s’est rangé du côté de la France. Cela était dû à la suspension des actions militaires conjointes entre le Mali et le Niger après le départ concerté de la force française Barkhane du territoire malien. Selon lui, cette situation a laissé un vide sécuritaire en termes d’échange de renseignements et d’actions conjointes des deux armées contre les groupes radicaux violents.
La visite du chef d’état-major nigérian à Bamako peut être considérée comme une reprise de l’action conjointe des deux armées. Cette reprise est plus politique, voire géopolitique, que militaire, estime le directeur de la CE3S, pour qui la visite du général Mody Salifou prouve à suffisance le besoin d’action commune qui s’exprime aujourd’hui avec acuité dans les rangs de l’armée nigériane. De plus en plus de voix au sein de l’armée nigérienne appellent à une reprise immédiate des opérations conjointes avec l’armée malienne, a déclaré le Dr Tounkara.
Cependant, le chercheur se demande quel sera le sort du contingent français avec cette reprise, pour la simple raison que le Niger est l’une des bases de l’armée française au Sahel et continue de mener des opérations conjointes avec l’armée nigérienne. La reprise des opérations militaires conjointes est le souhait exprimé par le Niger, a indiqué le chercheur, qui a expliqué que cette reprise serait très conditionnelle, longuement réfléchie et discutée entre les deux armées, notamment pour clarifier la position de la France.

La reprise de l’action militaire est une évolution bienvenue pour les deux Etats dans la lutte contre la nébuleuse terroriste. Mais cette reprise n’est pas aussi facile qu’on pourrait le penser car la France est bien positionnée au Niger et mène des opérations conjointes avec l’armée nigérienne, y compris à la frontière avec le Mali, a déclaré M. Tounkara.
LA POSITION DE LA FRANCE – A propos de la visite du chef d’état-major français au Niger le lendemain de celle de son homologue nigérien à Bamako, notre interlocuteur donne deux lectures. Il se demande si ce n’est pas une façon pour l’armée française d’intervenir en faveur du Niger sur le territoire malien. Pour lui, cette hypothèse reste plausible au regard du regain d’intérêt manifesté par la France pour certaines localités du Mali. La deuxième hypothèse qu’il a avancée est que dans les couloirs, l’armée nigériane n’est pas en phase avec l’armée française. Elle chercherait donc à se démarquer de la France dans la lutte contre les groupes radicaux violents en reprenant l’action militaire avec le Mali.
M. Tounkara estime qu’il est difficile de dire à ce stade si les autorités nigérianes seraient en mesure de revoir les termes de leur coopération militaire avec la France ou de suivre les traces du Mali et du Burkina Faso en prenant leurs distances. Selon lui, les faits ne vont pas dans ce sens, même si l’opinion publique nigériane est clairement en faveur d’une telle dynamique. De même, selon certains, des voix discordantes au sein de l’armée nigériane souhaiteraient mettre fin à la coopération militaire avec la France.
Pour le Dr Tounkara, ces voix discordantes au sein de l’armée sont fomentées par l’élite politique au pouvoir. Il explique que l’armée est sous le contrôle des politiciens. Et aujourd’hui, les présidents Bazoum du Niger et Macron de France seraient en phase. Cependant, il note que la présence française est loin de bénéficier du soutien populaire des Nigérians.

En outre, de nombreux activistes, organisations de la société civile et personnalités politiques nigérians sont de plus en plus réfractaires à la présence militaire française. Le chercheur estime qu’à terme, il est très probable que cette présence soit contestée et fasse l’objet d’hypothèses telles que l’élite politique au pouvoir finisse par répondre favorablement aux demandes exprimées par la société civile et une partie des militaires nigérians.

Dieudonn DIAMA

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