Le 5 avril 2023, notre pays a été admis pour la première fois à la Commission de la condition de la femme (CCF) des Nations unies. Dans cette interview, la ministre de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille expose les enjeux de cette décision et les défis à relever pour atteindre les objectifs de la Commission.
LEssor : Le Mali représente désormais l’Afrique de l’Ouest à la CSW de 2024 à 2028. Quel intérêt cette admission représente-t-elle pour votre département et pour le pays en général ?
Mme Wadidi Foun Coulibaly : L’intérêt est d’abord pour le Mali et pour l’Afrique en général. Comme vous le savez, le Département dont j’ai la charge a pour mission d’orienter la politique de l’Etat en matière de promotion et de protection des droits de la femme, de l’enfant et de la famille.
L’admission du Mali à la CSW est une aubaine pour les femmes ouest-africaines qui ont besoin de resserrer les rangs et de parler d’une seule voix. C’est une opportunité pour nous, en tant que département responsable de la politique nationale du genre, de nous réunir avec d’autres pays pour élaborer des stratégies, mobiliser des ressources et planifier de nouvelles initiatives et actions pour faire avancer la cause de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes en Afrique.
La nouvelle : Est-ce la première fois que notre pays reçoit cette position ? Quelles sont les actions qui nous ont permis d’obtenir cette position ?
Mme Wadidi Foun Coulibaly : C’est la première fois et, à notre avis, c’est une justice rendue, une reconnaissance du mérite. Le Mali est l’un des rares pays en Afrique qui peut se targuer que son arsenal juridique ne contient plus de textes discriminatoires à l’égard des femmes et des filles.
Notre Constitution garantit l’égalité des droits à tous les citoyens, sans distinction de sexe, de religion, d’ethnie ou de race. Elle dispose d’une politique nationale du genre dont l’organe d’orientation et de décision est le Conseil suprême du genre présidé par le Premier ministre.
Le Mali dispose également d’une loi sur le foncier agricole qui permet la prise en compte des femmes et des jeunes en milieu rural, sans oublier les nombreuses associations et ONG qui œuvrent pour répondre aux besoins spécifiques et stratégiques des femmes et aussi pour les protéger contre toutes les formes de violence. De Mexico à Pékin, notre pays est signataire de la quasi-totalité des conventions et traités sur les droits des femmes et a participé à tous les forums sur ou pour les femmes.
LEssor : Quelles sont les mesures prévues par votre département après cette décision de l’ONU ?
Mme Wadidi Foun Coulibaly : Nous allons réunir tous les acteurs nationaux et sous-régionaux qui œuvrent pour la défense des droits des femmes et leur bien-être. Avec nos partenaires techniques et financiers, nous allons travailler ensemble pour identifier les priorités et élaborer une feuille de route dont la mise en œuvre relèvera de la responsabilité de tous.
Depuis sa création en 1997, mon Département a redoublé d’efforts, dans la limite de ses missions, pour maintenir l’estime dont il jouit et mériter aussi le soutien de toutes les femmes du Mali et d’Afrique.
LEssor : Quels sont les défis que vous devez relever pour atteindre les objectifs de la Commission ?
Mme Wadidi Foun Coulibaly : Le monde a besoin de paix et de sécurité pour fonctionner, pour avancer. Or, aujourd’hui, la paix et la sécurité sont menacées partout par les conflits intra et intercommunautaires, les conflits intra et interétatiques, le terrorisme international, et ce sont les femmes qui en paient le plus lourd tribut.
Depuis 2012, mon pays traverse une crise multidimensionnelle qui a fait des milliers de femmes et de filles violées et mutilées, réfugiées et déplacées à l’intérieur du pays.
D’autres Etats membres de la Commission connaissent la même situation, situation qui pourrait à terme affecter la participation effective des Etats concernés aux travaux de la Commission et ainsi entraver son bon fonctionnement. Il sera donc nécessaire d’oeuvrer pour la recherche et le maintien de la paix et de la sécurité dans le monde.
LEssor : Qu’attendez-vous des organisations de défense des droits des femmes qui vous accompagneront dans cette nouvelle mission ?
Mme Wadidi Foun Coulibaly : Toujours à la pointe du combat pour l’émancipation, ces associations sont le socle du développement et les acteurs de l’épanouissement des femmes et des filles. Pour rappel, ce sont leurs revendications et leur volonté politique qui ont conduit à la création du Ministère de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille. Depuis lors, elles jouent un rôle clé au sein du ministère en termes de suivi et de contrôle de la défense des droits des femmes.
Je les encourage à poursuivre leur chemin et les incite à rester les partenaires fiables qu’ils ont toujours été pour le Département. Je les invite à nous accompagner, à travailler à nos côtés pour la sécurité, la paix et la prospérité du Mali, car l’entrée de notre pays à la CSW représente un bond en avant dans la défense des droits de la femme africaine en général et malienne en particulier.
Je peux dire, également au nom de toutes les femmes et filles du Mali, que c’est une grande fierté et un grand soulagement. Vous savez que malgré ses progrès dans l’amélioration du statut de la femme, le Mali ne faisait pas partie, jusqu’à présent, des 45 pays qui composent la Commission.
Je rends hommage à toutes les femmes du Mali et de l’Afrique de l’Ouest. C’est l’occasion de remercier le Président de la Transition et le Gouvernement pour leur engagement dans la promotion et la protection des droits des femmes.
De même, je voudrais remercier tout particulièrement le Ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération Internationale, à travers la Mission Permanente du Mali auprès des Nations Unies, et l’ensemble des partenaires pour leur appui constant.
Propos recueillis par
Mohamed DIAWARA