La situation sécuritaire dans le centre, le sud et le sud-ouest du pays continue de se dégrader. Les attaques complexes et coordonnées de ces derniers jours à Svar et Nara le prouvent. Comment expliquer la multiplication des attentats ces dernières semaines ? Le centre, le sud et le sud-ouest du pays sont-ils devenus le nouvel eldorado des groupes djihadistes ? A moins de 10 mois des élections présidentielles, quelles sont les solutions pour réduire ces attaques à travers le pays ? Le Dr Mohamed Amara, sociologue et analyste en sécurité, répond à ces questions.
Depuis un certain temps, les inquiétudes d’une grande partie des Maliens sont fortes face à la dégradation de la situation sécuritaire à travers le pays. Les récentes attaques de Nara, qui ont entraîné la mort du chef de cabinet du président de la transition, et celle de Svar, au centre du pays, qui a tué plusieurs civils, confirment ces inquiétudes.
Comment expliquer cette recrudescence des attaques ces dernières semaines ? Pour le Dr Mohamed Amara, sociologue et analyste de la sécurité, il y a deux explications plausibles à cette question. La première explication est que l’on entend parler de la montée en puissance de l’armée depuis un certain temps. Par conséquent, il n’y a plus eu d’attaques d’envergure contre les administrations militaires (camps, etc.). C’est cet état d’esprit qui serait à l’origine de cette libération par le MAF, car tout allait mieux. Ce contexte de repli a été exploité par les groupes armés terroristes pour se réorganiser et attaquer le MAFF. La deuxième explication est l’étendue du territoire. Lorsque l’on calcule l’étendue du territoire et le nombre de troupes dont nous disposons, la réponse est vite trouvée : nous n’avons pas assez de troupes pour occuper ce vaste territoire. À cela s’ajoute la présence non permanente de l’armée dans certains endroits, en dehors des grandes villes. Cela laisse le champ libre aux groupes terroristes pour se fondre dans la population et préparer leurs plans malgré les nouveaux moyens de renseignement, selon notre analyste.
Avec la multiplication des attentats, on peut se demander si le centre, le sud et le sud-ouest du pays ne sont pas devenus le nouvel eldorado des groupes djihadistes. Selon M. Amara, on ne peut pas parler d’Eldorado, mais plutôt d’une lame de fond qui ronge. Les groupes terroristes rongent le terrain tous les jours. Ils le font par le biais d’accords locaux avec les populations, que ces dernières acceptent pour se protéger. Il y a aussi le sentiment d’abandon de la population par l’Etat malien, qui facilite l’implantation des groupes narcoterroristes, dit-il.
A moins de 10 mois des élections présidentielles qui pourraient conduire à un retour à l’ordre constitutionnel, quelles sont les solutions pour endiguer ces attaques à travers le pays ? Pour le Dr Mohamed Amara, l’une des solutions pour sortir de cette situation est de remettre les hommes politiques dans le jeu.
Un pays en crise, n’importe où dans une démocratie, doit impliquer les politiciens dans la résolution de la crise. Un autre point important est le calendrier, qui devrait être revu, puisque les élections référendaires ont été reportées sine die. Dans la perspective d’un retour à l’ordre constitutionnel, il serait judicieux de travailler à l’organisation d’une élection présidentielle pacifique et transparente. Cela implique, par exemple, de reporter l’organisation des élections des collectivités territoriales. Quant aux élections législatives, il faudra trouver un compromis avec tous les groupes d’intérêts (politiques, associatifs, etc.) pour les combiner avec les élections présidentielles ou les organiser après ces dernières. Aujourd’hui, les Maliens (ceux qui ne sont pas écoutés) ont besoin d’être rassurés sur les choix de l’exécutif lors du scrutin prioritaire (la présidentielle), conclut notre analyste en sécurité.
Ousmane Mahamane
Youma Diallo