La fin du mandat des Casques bleus au Mali dans quelques jours ne semble plus faire de doute, mais les négociations de l’ONU restent incertaines sur le calendrier de leur départ, que Bamako souhaite « sans délai », selon des sources diplomatiques.
Nations Unies (Etats-Unis) (AFP)
Le 16 juin, prenant tout le monde de court, le ministre malien des Affaires étrangères Abdoulaye Diop, dénonçant « l’échec » de la mission de l’ONU (Minusma), demande au Conseil de sécurité de la « retirer sans délai ».
Dans ces conditions, et alors que le Conseil de sécurité s’apprêtait à envisager un renouvellement du mandat, éventuellement assorti d’un amendement, c’est finalement la fin pure et simple de la mission la plus coûteuse de l’ONU (1,2 milliard de dollars par an) qui est sur la table, plongeant dans l’inconnu un pays en proie aux attaques djihadistes.
Début juin, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres avait pourtant qualifié d' »inestimable » le maintien de la présence de la Mission de l’ONU au Mali (MINUSMA), soulignant les craintes des pays de la région d’une « expansion des groupes extrémistes » en cas de retrait.
Mais l’un des principes du maintien de la paix est le « consentement » du pays hôte.
Ainsi, le dernier projet de résolution distribué mercredi par la France — responsable des textes sur le Mali — aux autres membres du Conseil de sécurité, consiste à « mettre fin au mandat de la Minusma (…) à compter du 30 juin 2023 », selon le texte vu par l’AFP.
La mission, créée en 2013 pour aider à stabiliser un État qui risquait de s’effondrer sous la pression des jihadistes et pour protéger les civils, cesserait ses activités le 1er juillet pour se concentrer sur son retrait, « dans le but d’achever ce processus d’ici au 31 décembre 2023 ».
« Le secrétariat (de l’ONU) a commencé à discuter et à planifier une sortie ordonnée, en identifiant les multiples aspects et niveaux de cet effort massif et complexe », a déclaré mercredi à l’AFP un porte-parole des opérations de maintien de la paix. « S’assurer de la coopération constructive des autorités maliennes sera essentiel pour faciliter ce processus ».
– Maintien de la paix Sécurité –
Mais selon plusieurs sources diplomatiques, la junte malienne souhaite raccourcir la période de retrait proposée, tandis que certains membres du Conseil de sécurité craignent que le délai de six mois soit déjà trop court pour organiser le départ en toute sécurité de plus de 12 000 soldats et policiers.
« L’ONU devra transporter beaucoup d’équipement hors du pays par la route, et cela ne se fera pas du jour au lendemain », a commenté Richard Gowan, de l’International Crisis Group.
« Les Maliens craignent probablement que l’ONU cherche à garder le Mali dans l’espoir que Bamako revienne sur sa décision d’expulser la mission, et il y a peu de confiance de part et d’autre », a-t-il dit à l’AFP.
« Nous espérons vraiment que d’ici la fin de la semaine nous pourrons adopter un texte qui prenne en compte ce que veut le Mali et qui montre qu’il n’y a pas de volonté de la part de l’ONU de rester un jour de plus que nécessaire », a déclaré mercredi une source diplomatique. Mais en même temps, nous n’avons pas l’intention de compromettre la sécurité du personnel de maintien de la paix », a ajouté cette source, notant que « la Russie soutient les demandes du Mali ».
Le vote prévu jeudi a été reporté à vendredi pour permettre la poursuite des discussions.
Pour être adoptée, la résolution, qui peut encore être amendée, doit recueillir au moins 9 voix sur 15, sans le veto d’un membre permanent (Russie, Chine, Etats-Unis, Royaume-Uni et France).
Les relations entre Bamako et la Mission des Nations Unies au Mali (MINUSMA) se sont largement détériorées depuis la prise de pouvoir par les militaires en 2020.
L’ONU a régulièrement dénoncé l’obstruction des autorités maliennes à la circulation des casques bleus et fait face à des défections de la part des pays contributeurs de troupes, refroidis par la multiplication des attaques contre la mission, au cours desquelles 174 casques bleus ont été tués depuis 2013.
La junte, dénonçant l’attention portée aux droits de l’homme, a fait valoir pour sa part que la MINUSIL devrait s’attaquer directement aux groupes terroristes.
Cet argument est repris par la Russie, vers laquelle la junte malienne se tourne militairement et politiquement, prenant ses distances avec la France, ancienne puissance coloniale.