Le Covid-19 a été une expérience extrêmement difficile et douloureuse pour tous les pays du monde. C’est la première fois qu’une pandémie a un impact quadridimensionnel en tant que maladie infectieuse avec son incidence, sa létalité et sa mortalité, mais aussi un impact sur d’autres maladies car elle n’a pas permis l’accès aux services de santé pour de nombreuses maladies chroniques. Il y a aussi des conséquences sociales. Le confinement et l’éloignement physique ont apporté leur lot de conséquences économiques : des personnes ont perdu leur emploi, des entreprises ont cessé leurs activités, et il y a eu des retards dans la réalisation de plusieurs projets, voire leur annulation.La pandémie a causé la mort de 6,6 millions de personnes. Trois pays représentaient à eux seuls un tiers de ces décès. Ce sont les États-Unis avec plus d’un million, le Brésil (plus de 600 000) et l’Inde (plus de 500 000).
Heureusement, le Maroc a bien géré la crise grâce aux orientations royales et à des décisions courageuses et parfois difficiles. Mais le pays s’en est très bien sorti même s’il a dû déplorer un peu plus de 16 000 morts. La létalité était parmi les plus faibles au monde.
Au moment de la situation pandémique la plus sévère, nous étions à 1,2% de létalité alors que les pays développés avaient une létalité deux à trois fois supérieure à la nôtre.
Les décès ont touché tous les groupes de population et tous les âges. Ceux qui ont payé le plus lourd tribut sont avant tout les personnes âgées et les personnes atteintes de maladies chroniques.
Quelles leçons devons-nous en tirer ?
Ce que nous devons retenir comme leçon de cette pandémie, c’est qu’aucun pays n’y était préparé, pas même les pays dotés d’un système de santé avancé. Le premier drame s’est produit en Italie où nous avons tous vu qu’un pays développé, membre de l’Union européenne, était incapable de gérer le flux des malades et des morts. Ce fut aussi le cas en Espagne, en France, en Angleterre, aux Etats-Unis…
Tous les systèmes de santé n’étaient donc pas préparés à cela, malgré la connaissance des pandémies au cours du 20e siècle comme le H1N1, Ebola, Zika ou le SIDA ; ce ne sont pas des leçons apprises pour la résilience des systèmes de santé et la pandémie de COVID-19.
Il a fallu une très longue période de réhabilitation, qui a duré entre un an et demi et deux ans, pour que la situation se stabilise.
Cette résilience était extrêmement importante à retenir car c’était la capacité d’un système à disposer de lits de réanimation, la capacité d’un système à mobiliser les personnels de santé, la capacité d’un système à trouver des médicaments, à trouver des mesures barrières que sont les masques, les gants et les protections. vêtements.
Le dernier élément qu’il faut retenir est que la vaccination était une arme indispensable pour éviter les complications, les hospitalisations et surtout chez les personnes âgées. C’est que la vaccination n’a pas empêché l’infection par le Covid-19 ni la transmission du virus, mais a essentiellement évité, dans un groupe particulier de la population, les complications et l’hospitalisation.
Je pense que le Maroc a été un cas d’école extrêmement intéressant, car il a géré cette crise en quelque sorte avec un impact sanitaire doublé d’un aspect socio-économique.
Je rappelle que le Maroc a été l’un des pays où le confinement a duré le plus longtemps et où l’état d’urgence sanitaire a été levé en dernier.
Par rapport aux connaissances scientifiques, on rappelle que ce virus était connu en novembre 2019. On s’est rendu compte qu’il ne s’agissait pas d’une maladie infectieuse classique mais d’une maladie vasculaire qui provoquait une défaillance non seulement des poumons mais aussi d’autres organes. . Avec le temps on a su que cette maladie pouvait devenir chronique et s’installer avec le temps avec ce qu’on appelait le long Covid.
C’est une maladie qu’on a appris à gérer, certes, mais qui pose encore un certain nombre de questions pour lesquelles on n’a pas de réponses, notamment sur le long Covid.
Les médecins ont appris à gérer cette maladie, devenue aujourd’hui une maladie chronique grave, mais qui s’est « banalisée » car elle est passée d’une phase pandémique à une phase endémique légère. Dans la plupart des pays, le nombre de nouveaux cas est très faible malgré l’absence de distanciation sociale.
Longtemps le Covid reste un problème de santé publique. Faut-il investir davantage dans la recherche pour mieux la comprendre et l’étudier ?
Chaque fois qu’il y a une pandémie, la recherche scientifique devient nécessaire. Plus précisément les recherches sur les vaccins qui devront améliorer les types de vaccins, puisque le vaccin actuel a eu des effets positifs mais n’a pas donné tous les résultats attendus en raison des multiples variants qui sont apparus, notamment les couches Alpha, Delta, Omicron et ses sous-variantes.
Le vaccin n’a donc pas pu apporter la protection nécessaire contre les variants, mais il aura permis de ralentir l’évolution vers des complications graves, notamment chez les personnes âgées.
Grâce à l’Initiative Royale, le Maroc a créé un centre de biotechnologie à Benslimane, où des vaccins anti-Covid-19 et d’autres vaccins et médicaments pour lutter contre les maladies infectieuses sont développés pour les marchés national, continental et international. La recherche aura donc son mot à dire dans l’après-crise.
Dans quelle mesure serons-nous mieux préparés la prochaine fois que nous ferons face à une urgence ?
Nous comprenons l’importance de mener davantage de recherche-action, de recherche sur le terrain et davantage d’études épidémiologiques, d’évaluation, d’impact, de carences et d’efficacité des médicaments et des vaccins. Cela devient une nécessité pour se préparer à d’autres crises, non pas pour les prévoir mais pour planifier la réponse à ce type de crise si elle survenait.
Au cours de ces années, le système de santé a subi une refonte. Quelle place est donnée à la gestion des situations d’urgence dans la loi-cadre et quelle est la corrélation entre cette révision et la pandémie ?
Dans le cas du Maroc, la pandémie a accéléré le processus de révision du système de santé demandé par Sa Majesté le Roi au gouvernement, déjà depuis 2018, grâce à deux discours royaux très importants.
Le gouvernement s’est mis à travailler plus intensément pour généraliser la couverture médicale à tous les Marocains. Cela a été bénéfique en accélérant le processus d’examen en cours du système de santé. Un modèle d’organisation a été mis en place. Des agences ont été créées, d’autres restructurées.
La loi cadre 06-22 relative au système national de santé détermine les grandes orientations stratégiques de notre futur système de santé, à savoir la création de la Haute Autorité de Santé au niveau national, celles relatives à la couverture sanitaire universelle mais aussi à la surveillance épidémiologique, la formation et une plus grande équité des ressources.
Au niveau régional, on note la création de groupements territoriaux régionaux, qui constitueront le nouveau bras de la mise en œuvre de la politique de santé au niveau régional, avec une plus grande autonomie et une réponse aux besoins et interrogations des citoyens en matière de santé. Ces aspects font partie du premier pilier fondamental de la révision, qui est celui de la nouvelle gouvernance du nouveau système de santé, auquel il faudra ajouter une réflexion sur le modèle de financement.
Le deuxième pilier est lié au développement des ressources humaines, la capacité à motiver, valoriser et mieux répartir les ressources humaines. Le troisième pilier est celui de la mise à niveau des infrastructures, c’est-à-dire tout ce qui concerne les centres de santé, les hôpitaux, et la construction d’un parcours de soins coordonné avec le secteur privé.
Enfin, une importance est accordée à la mise en place d’un système d’information de santé intégré, qui comprend tous les éléments concernant la maladie, et à la numérisation des informations de santé, notamment le dossier médical, dans le respect de la confidentialité.
Recueillis par Safaa KSAANI