Côté algérien, le Maroc est accusé d’être un voleur sans scrupules du patrimoine algérien. Côté marocain, l’Algérie est considérée comme un pays à peine libéré d’un long cycle colonial et donc sans profondeur historique, qui cherche à se forger un visage patrimonial derrière le Maroc, État-nation millénaire dont elle voudrait être jalouse maladive.
Derrière cette guerre d’appropriation culturelle, l’ombre de la rivalité géopolitique entre les deux pays voisins, aujourd’hui en rupture diplomatique totale, n’a jamais été aussi lourde. Et le Maroc, pays relativement sûr de ses faits et de sa valeur historique, ne s’est jamais montré aussi alerte et entreprenant face aux assauts répétés de son voisin algérien sur son riche patrimoine.
Dernière manifestation en date de cette mobilisation marocaine pour la sauvegarde de ses spécificités culturelles : le Round a remporté haut la main l’inscription de la « Tbourida » marocaine sur la liste du patrimoine immatériel de l’UNESCO. En effet, il apparaît comme une réponse à l’enregistrement conjoint du couscous par tous les pays du Maghreb, en 2020. Une « mise en commun » qui aurait été, selon des sources bien informées, « très mal perçue au départ, puisqu’elle pourrait marquer le début d’un processus malheureux de dilution des spécificités culturelles marocaines dans le moule d’une improbable uniformité maghrébine ».
Depuis, le Royaume s’est engagé dans une démarche tous azimuts de protection de son capital socioculturel, héritage d’un Etat-nation millénaire, face aux tentatives d’appropriation, notamment algériennes. Le classement de la « Tbourida » représente donc le premier épisode de cette telenovela dans laquelle le Maroc entend sanctionner la singularité de son patrimoine, souvent et malheureusement considéré comme commun parmi les pays du Maghreb. Et ça commence bien !
Réuni le 15 décembre dans le cadre de sa seizième session, le Comité intergouvernemental pour la protection du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO a en effet répondu favorablement à la demande du Royaume du Maroc d’inscrire Tbourida sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel Patrimoine. Site du patrimoine mondial.
Si cet art équestre est pratiqué depuis des siècles dans les trois principaux pays du Maghreb, en l’occurrence le Maroc, l’Algérie et la Tunisie, où il s’est développé parallèlement aux campagnes militaires, la « Tbourida » marocaine est une discipline à part, réglementée et codifiée vers le bas. au millimètre près pour préserver son authenticité et sa singularité historique. Une rigueur qui manque à la « Fantasy » algérienne ou tunisienne où les pratiques ancestrales ont été considérablement déformées au fil du temps.
exception marocaine
Cette reconnaissance internationale d’un patrimoine de civilisation unique au monde et auquel les Marocains sont très attachés est vécue dans le Royaume comme la consécration d’une incontestable exception marocaine que certains tentent de diluer dans cet ensemble pas aussi uniforme qu’il y paraît. le maghreb. Il témoigne de l’importance d’une série d’héritages profondément enracinés dans la conscience collective des Marocains et perfectionnés au cours de leur histoire séculaire.
Certes, et compte tenu de la proximité géographique, de la langue commune, de la culture similaire et de l’histoire partagée, le croisement des domaines du patrimoine marocain et algérien contiendrait un nombre important d’éléments. Ces points de convergence dépassent ces deux pays pour englober tous les pays du Maghreb, et même certains pays d’Europe.
Cependant, en creusant plus profondément, les particularités réapparaissent et les spécificités de chaque patrimoine, qu’il soit marocain ou algérien, sont visibles. La démonstration vaut aussi pour la gastronomie où la finesse et la variété de l’art culinaire marocain ne sont en rien comparables à celles des voisins. Il en va de même pour l’architecture, l’artisanat, la musique et la couture traditionnelle qui ont trouvé dans le magma culturel judéo-amazigho-arabe du Maroc un terrain très fertile pour sublimer leurs créations. La prochaine Ronde aura certainement pour enjeu le caftan, dont la paternité est revendiquée de part et d’autre de l’Oued Kiss, mais dont les particularités dans chaque pays ne permettent aucun partage.
Plus que de la créativité, le Maroc, en sa qualité d’État-nation à l’histoire millénaire, a su donner une dimension universelle aux composantes de sa riche terre culturelle grâce au jeu de la transmission générationnelle et au perpétuel raffinement de ses arts et savoirs aujourd’hui consacrés pour leur beauté, leur unicité, leur authenticité et surtout pour leur cohérence.
Autant de biens qui manquent à nos voisins de l’Est, dont l’histoire et la culture, certes riches, ont été morcelées et à plusieurs reprises interrompues ou déformées au cours de longs épisodes coloniaux, dont le plus dévastateur est celui de la colonisation. substrat identitaire, culturel et patrimonial du peuple algérien. Pourtant, une incontestable créativité de ce peuple jumeau du Marocain a su résister, se concrétisant avec brio dans le riche répertoire musical algérien, ainsi que dans d’autres domaines du patrimoine similaires à ceux du Maroc.
Cependant, et au lieu d’affirmer la singularité de son patrimoine, de le valoriser et de le marquer comme il se doit, l’Algérie, pays longtemps fermé qui continue de vivre dans une situation de quasi-isolement du reste du monde, n’a trouvé aucune alternative mais de revendiquer des éléments patrimoniaux préservés, développés et perfectionnés au fil des siècles par son voisin occidental. Et cela ne va pas changer avec le régime militaire actuellement au pouvoir qui a fait de la jalousie et de la haine du Maroc une véritable religion.