– Nous n’avons pas les détails de l’affaire. Nous ne savons pas s’il s’agit d’une usine clé en main. Si tel est le cas, le constructeur chinois apportera tout pour produire des batteries au lithium. A mon avis c’est le cas, car nous n’avons pas encore les ingrédients nécessaires à la fabrication de ces batteries, alors même que le Maroc est riche en éléments qui entrent dans la composition de ces batteries, notamment le phosphate, le cobalt, le lithium et le fer.
Nous pourrions commencer à utiliser des produits marocains dans quelques années.
Concrètement, les producteurs chinois achètent du cobalt, notamment au Maroc, le transforment en un produit appelé NMC, puis le revendent au Maroc.
Même chose pour le phosphate. Étant donné que le composé dit lithium fer phosphate (LFP) utilisé dans les batteries n’est pas produit, il sera préparé en Chine et présenté dans le cadre du projet clé en main.
Il existe au moins 500 fabricants de batteries au lithium en Chine. Gotion High Tech est un très grand groupe qui se soutient financièrement. Je pense que le Maroc a dû prendre ses précautions pour réfléchir à un accord économiquement viable. Au Maroc il faut pouvoir produire des batteries au lithium à un prix inférieur à celui de la Chine.
Il y a des garanties que le Maroc a probablement demandées. Ces garanties sont des chiffres. C’est-à-dire combien de dollars par kilowattheure, quelle est l’intensité énergétique, quelle est la durée de vie, quel est le temps de recharge…
– Quels sont les pré-requis pour une bonne batterie de voiture électrique ?
– La première chose est d’arriver avec des batteries de qualité. Car c’est la qualité qui fait la réputation des usines.
Lorsque Tesla a commencé à produire des batteries, Elon Musk a demandé au géant japonais « Panasonic », qui est le leader mondial des batteries, de construire une usine de production de batteries au lithium de bonne qualité.
La qualité, c’est la densité énergétique qui doit être supérieure à 250. Si les chiffres que j’ai vus dans le communiqué de presse marocain s’avéraient vrais, le Maroc devrait signer l’accord sur-le-champ ! Parce que ces chiffres sont de 30 à 40 % supérieurs à ce que je sais. La formule présentée par les chinois (LFP 225 wattheures par kilo et la batterie NMC contient 350 kilowattheures) n’existe pas encore sur le marché. C’est du jamais vu dans une voiture électrique !
Il faut aussi que la durée de vie de la batterie soit comprise entre 1500 et 2000 cycles et qu’elle conserve sa bonne qualité de densité énergétique tout au long de sa vie.
Un autre élément important est la sécurité de la batterie, en particulier dans les températures plus élevées que connaissent de nombreuses villes marocaines.
– Les batteries des véhicules électriques sont faites d’aluminium, de cuivre, de cobalt et de lithium, entre autres matériaux. Comment le Maroc, qui possède ces minerais, pourrait-il baisser le prix de la batterie ?
– A noter que le prix de la batterie représente 40% du prix de la voiture électrique.
Si l’entreprise chinoise produit le LFP au Maroc en utilisant du phosphate marocain, le prix de la batterie (en dollars, euros ou dirhams, par kilowattheure) deviendra moins cher, moins de 75 dollars/kwh.
– En matière de recherche et développement dans ce domaine, où en est-on au Maroc ?
– A ma connaissance, dans le domaine du développement des batteries, il n’existe aucune recherche pouvant apporter leur valeur ajoutée à l’industrie nationale. Il existe des recherches scientifiques sur les matériaux ou en électrochimie, menées par des chercheurs et des universitaires. Mais il n’y a pas de nouvelles inventions marocaines. La recherche et le développement dans ce domaine n’existent donc pas. C’est ce que j’ai voulu faire au Centre d’Excellence des Batteries de Fès pour former des ingénieurs marocains dans la Giga-usine Marocaine de Batteries Electriques. Mais je n’ai reçu aucune aide financière.
– Quant à vos inventions, comment peuvent-elles contribuer à l’industrie de la batterie au Maroc ?
– Je mettrai mes inventions au service du pays qui les utilise. Le Maroc est prioritaire. Premier arrivé premier servi.
Malheureusement, les décideurs n’ont aucune connaissance dans le domaine de l’invention. La première fois que j’ai fait remarquer qu’il fallait avoir une Gigafactory au Maroc remonte à 2015. Il faudra attendre 2023 pour décider de la construire, mais sans me le dire, de peur qu’on me l’attribue (rires ).
– Quelles sont les perspectives du secteur au Maroc ?
– L’année 2035 marquera la fin des voitures à moteur thermique en Europe, au profit des voitures électriques. Pour le Maroc, qui est le principal exportateur de voitures vers l’UE, Renaut, Citroën… sont obligés d’exporter des voitures électriques fabriquées au Maroc à partir de 2035.
Cela dit, les batteries doivent être fabriquées localement. La création d’une Gigafactory au Maroc ne se discute plus. Il faut s’occuper des choses.
– Pensez-vous que le Maroc sera capable de produire des voitures électriques avant 2035 ?
– La prochaine date à retenir est celle de la signature officielle de l’accord entre les parties marocaine et chinoise. Le temps nécessaire pour produire les batteries est de deux à trois ans. Par exemple, si l’accord est signé en 2024, le Maroc pourrait produire ses premières batteries au lithium pour voitures électriques en 2027.
Recueillis par Safaa KSAANI