Avec son déploiement historique dans diverses parties de l’espace ibérique et des frontières africaines, et sa position géographique comme porte d’entrée du vieux continent, le Maroc médiéval était le fournisseur et l’intermédiaire des produits de base nord-africains, ibériques et méditerranéens, qui le reliaient aux civilisations de l’Afrique précoloniale du genre des empires Songhaï, des Royaumes Mossi, Bambara de Ségou et Kaarta ou Haute Volta (l’actuel Burkina Faso), jusqu’au fin fond de l’Afrique australe, c’est-à-dire jusqu’à l’Afrique du Sud.
À son apogée, cette zone échangeait principalement de l’or et de l’ivoire avec le Maroc pour les produits agroalimentaires. Aussi, lorsque les routes commerciales ont été perturbées pour diverses raisons, le Royaume a servi de relais pour le sel et les chevaux égyptiens vers le sud du pays. De plus, au lendemain de l’invention de l’imprimerie, le Maroc fournissait des livres en latin, allemand, néerlandais et anglais à ce pays du globe, participant indirectement à son éveil intellectuel.
Au XXe siècle, le soutien du Maroc au peuple sud-africain dans sa lutte acharnée contre les atrocités de l’apartheid n’est plus à démontrer. « Lors de son séjour au Maroc de 1960 à 1962, Mandela a rencontré les dirigeants du FLN algérien à Oujda. A l’époque, le Royaume était le siège de la résistance en Afrique. La réputation de feu Mohammed V et des leaders du mouvement nationaliste a retenti sur des milliers de kilomètres et était indiscutablement nulle », explique l’historien Nourdine Belhaddad.
Dans cette dynamique, le jeune Mandela rejoindra les Algériens Houari Boumediene, Mohamed Boudiaf, Ben Bella ou encore Agustino Neto, premier président de la République d’Angola entre 1975 et 1979 sans oublier Amilcar Cabral, le fondateur du Parti Africain pour l’Indépendance de la Guinée. et le Cap-Vert, ainsi que de nombreux autres qui ont réussi à trouver refuge au Maroc. « Toutes ces personnalités aspiraient à ce que leur pays soit indépendant et libre. Mandela avait les mêmes objectifs, même s’il était motivé par un désir de liberté et d’égalité plutôt que par un désir d’indépendance. Il faut dire que depuis 1948 votre pays était soumis au joug de l’apartheid, qui instituait une forte ségrégation raciale violant les droits des Noirs, bien qu’autochtones et majoritaires. Son combat est différent de celui des combattants séparatistes », explique notre source.
Et dans ce climat, le casque bleu sud-africain a immédiatement jugé opportun de se rapprocher de « l’homme de la situation » qui lui permettrait de faire part de ses doléances et requêtes au palais marocain. Son choix s’est porté sur Abdelkrim El Khatib, alors ministre d’État aux Affaires africaines, qui a largement contribué au rapprochement entre Hassan II et Mandela. Feu le roi Hassan II a ordonné au haut fonctionnaire en 1962 de fournir de l’argent et de transporter des armes et des fournitures aux combattants de l’ANC.
Les deux grands dirigeants se retrouveront une seconde fois en 1994 à Rabat, mais cette fois plus pour des échanges amicaux et courtois. Pendant les longues années d’emprisonnement de Mandela, le Maroc avait donné un autre profil à cette relation. Même l’ancien ministre des affaires étrangères, Saâd Dine El Othmani, a pris soin de rappeler, lors d’un meeting politique tenu fin mai 2013 à Rabat pour commémorer la journée de l’Afrique, que cette livraison d’armes était la première reçue par les hommes de Mandela d’un pays étranger. pays.
Une idylle politique extraordinaire
L’arrière-plan des relations entre Mandela et le Maroc connaîtra une évolution regrettable, un certain 12 juillet 1963, jour de l’arrestation du chef de l’ANC. Durant ces 27 années de détention, l’ANC se rapprochera des pays communistes tandis que le Maroc négociera avec le régime sud-africain au sein du fameux Safari Club.D’ailleurs, au cœur de la crise angolaise, Rabat s’était montré plus accommodant avec Pretoria, ainsi qu’avec Jonas Savimbi face à son immense rival José Edouardo Dos Santos, président de l’Angola.
De plus, après sa sortie de prison le 11 février 1990, Nelson Mandela a entrepris un long voyage dans plusieurs pays répartis sur les cinq continents. Le Maroc faisait alors partie de l’agenda du dirigeant de l’ANC. Lors de son voyage au Royaume en novembre 1994, Hassan II l’a accueilli avec enthousiasme et l’a même décoré. Cependant, ces quelques rencontres restent sans suite. Pire encore, la dégradation des relations politiques entre les deux pays va continuer à s’aggraver, surtout après l’ère Mandela, ouvrant la voie aux faux pas diplomatiques les plus injustifiables.
La triste fin
A tous points de vue et selon divers témoignages historiques et géostratégiques, le mandat présidentiel de Mandela (9 mai 1994-14 juin 1999) a pu mettre un terme aux querelles entre le Royaume et les autres dirigeants de l’ANC sur la question marocaine. dossier saharien. Cependant, la proximité avec l’Algérie a remplacé le vague souvenir de cette première livraison d’armes et de munitions en 1962. En 2004 le coup tombe avec la reconnaissance de la soi-disant « RASD » par l’Afrique du Sud. Depuis lors, Pretoria est devenu l’un des partisans les plus virulents du mouvement séparatiste.
Houda Belabd