Les pharmaciens gagnent-ils trop de marge ? C’est en tout cas ce que laisse entendre le dernier rapport de la Cour des comptes qui indique que les marges bénéficiaires des pharmacies d’officine sont très élevées puisqu’elles varient entre 47 et 57% pour les médicaments dont le PFHT est inférieur ou égal à 588 DH, et entre 300 et 400 DH la boîte pour le reste des médicaments. Des niveaux que les pharmaciens nient car, selon eux, leurs marges bénéficiaires sont nettement inférieures.
LE marges des pharmaciens ce serait très élevé. C’est ce qui ressort du dernier rapport de Cour des comptesqui rapporte des marges bénéficiaires relativement importantes par rapport à celles pratiquées par un benchmark à six pays, à savoir le BelgiqueLE FrancejeArabie SaouditejeEspagneLE Turquie et le le Portugal. En effet, et dans le détail, la Cour des comptes souligne que les marges bénéficiaires des établissements de vente en gros de produits pharmaceutiques distributeurs s’élèvent à 11% pour drogues dont le prix fabricant hors taxes (PFHT) est inférieur ou égal à 588 dirhams et 2% pour le reste des médicaments. Le rapport indique que ces marges sont nettement plus élevées pour pharmacies d’atelier puisqu’ils varient entre 47 et 57% pour les médicaments dont le PFHT est inférieur ou égal à 588 dirhams et entre 300 et 400 dirhams la boîte pour le reste des médicaments dont le prix est supérieur à 588 dirhams.
La comparaison avec les pays de référence montre, toujours selon la juridiction financière, que ces marges sont très élevées, étant donné que, par exemple, les marges bénéficiaires des grossistes pharmaceutiques en Turquie sont comprises entre 4 et 9 % pour les médicaments dont le PFHT est inférieur ou égale à 222,46 dirhams, et cette marge chute encore à 2% si le prix du médicament est supérieur à 222,46 dirhams. Quant aux marges bénéficiaires du pharmacien, alors qu’au Maroc elles atteignent 57% pour les médicaments dont le PFHT est inférieur ou égal à 166 dirhams, elles ne sont que de 25% en Turquie, 5,58% au Portugal, 21,4% en France et 6,42% en Belgique, note le rapport.
Parler d’une marge bénéficiaire de 57% est une erreur selon les pharmaciens
Contacté par « Le Matin », le pharmacien, fondateur et rédacteur en chef de « pharmacie.ma », « medicament.ma » et « Pharmanews », Abderrahim Derraji, souligne que ce qui est contenu dans ce rapport n’est qu' »une vision de l’esprit ». « Parler d’une marge bénéficiaire de 57 % est le fruit de l’imagination. Cette affirmation est totalement fausse », déclare Derraji. Le pharmacien d’officine, explique-t-il, dispose de quatre marges brutes en vigueur depuis 2013, réparties comme suit :
- 33,93 % pour la gamme de drogues courants inclus PFHT est inférieur à 166 dirhams et qui représentent 91,7% du marché.
- 29,74 % pour la gamme de drogues dont le PFHT est compris entre 166 et 588 dirhams et représentant 7% de part de marché.
- Et respectivement paquets de 300 et 400 dirhams pour le les médicaments dont le PFHT est compris entre 588 et 1756 dirhams (appelés T3) et celles visées PFHT est supérieur à 1 756 dirhams (T4) qui représentent ensemble une part de marché de 1,3 %.
Et de souligner qu' »il ne faut pas perdre de vue qu’on parle de marges brutes ». Chaque pharmacien paie un Loyer mensuel 3 000 à 4 000 dirhams en moyenne, payer le salaires de deux ou trois personnes qui travaillent pour lui indéfiniment, paient le Frais professionnels qui est d’au moins 9 000 dirhams par an, plus le reste du impôts et frais liés à prêts bancairesce qui signifie que la marge de 33,93 % (la plus élevée des quatre) équivaut à une marge nette comprise entre 8 et 12 %, précise Derraji.
« Nous comprenons parfaitement la demande à faire baisse des prix des médicamentsce qui est important pour la réalisation de généralisation de la couverture santé, mais vous ne devriez pas tuer le pharmacien », dit M. Derraji. « Il y a des pharmaciens dans les petites villes qui tiennent à peine debout et s’ils ferment les pharmacies où iront les patients de ces endroits pour se procurer leurs médicaments ? » avertir le pharmacien.
Un tiers des pharmacies municipales au bord de la faillite
Partageant les mêmes observations, le Secrétaire Général de la Confédération des Syndicats Marocains des Pharmaciens (CSPM), Amine Bouzoubaa, précise que la marge de 47 à 57% mentionnée dans le rapport du Cour des comptes découle du décret n°2-13-253 relatif aux modalités de fixation du prix de vente au public des médicaments produits localement ou importés, qui précise leur contenu. Reprochant à certains médias d’avoir titré des articles traitant de cette marge comme de la seule responsabilité des pharmaciens, Bouzoubaa précise que celle-ci inclut également la marge du fabricant, la grossiste distributeur et aussi le T.V.A..
« La marge du pharmacien est en réalité de 30% brut et tombe à 8% net après déduction de diverses charges », explique Bouzoubaa, précisant que ce taux de 8% a été établi par la Direction générale des impôts, comme une plus-value nette, dans l’accord de conciliation fiscale. avec les pharmaciens, « et vous savez ce que c’est que la DGI et qu’elle a certainement tous les chiffres concernant le secteur ».
Et le CSPM SG d’ajouter qu' »il n’y a pas une telle marge quand on a près de 4.000 officines (sur 12.000, soit un tiers) qui sont au bord de la faillite ». Le rapport 2019 de la Conseil de la concurrence, rappelle-t-il, fait état d’un niveau de revenu mensuel moyen pour les pharmaciens au Maroc de 4 000 dirhams. « Il y a certes des pharmacies (situées dans les grands axes des grandes villes) qui font de gros profits, mais il y en a beaucoup (surtout dans les zones rurales, qui comptent 50 % des pharmacies) qui ne génèrent aucun revenu mensuel, même celles qui finissent le mois avec un déficit et sont obligés de puiser dans leur capital », explique Bouzoubaa.
Baisse des revenus et hausse des coûts, le double défi des pharmaciens
Depuis une dizaine d’années et suite à la baisse des prix des différents médicamentsLE pharmaciens sont confrontés à une baisse de revenus, alors que des charges (Stsalaires du personnel, loyer, frais de maintenance, frais de numérisation, etc.), continuent d’augmenter, indique le SG de la CSPM. Et de souligner le fait que les pharmaciens au Maroc ne couvrent leurs frais que grâce aux marges uniques qu’ils réalisent, contrairement à leurs homologues en France par exemple, qui bénéficient d’un panier de prestations représentant près de 70% de leurs revenus : indemnité de dispensation (près d’un euro par boîte), indemnité de garde (dite indemnité de garde), indemnité de remplacement du médicament générique par le médicament prescrit, indemnité de prolongation de prescription, indemnité de téléconsultation, assistance médicale avec l’assistance d’un pharmacien, vaccination indemnité, etc…
Dans le cas de ce pays, la marge bénéficiaire est certes faible, mais les pharmaciens reçoivent en échange diverses indemnités qui leur permettent de faire tourner leur officine, explique Bouzoubaa, qui regrette que la Cour des comptes n’ait pas enquêté sur les choses et n’ait pas contacté la l’Ordre des Pharmaciens et le Ministère de la Santé, plus au fait de la situation du secteur pharmaceutique au Maroc.
Le volume des ventes de médicaments à considérer
Outre la marge bénéficiaire, Abderrahim Derraji demande également de prendre en compte le volume des ventes en officine. « Si au Maroc on passe quelque chose comme ça 500 dirhams par habitant/an en médicaments, ce chiffre dépasse les 500 euros par an en France. Le plus important pour le pharmacien n’est pas la marge, mais le chiffre d’affaires. Si son volume de ventes pouvait être plus proche de celui de son homologue français, alors on pourrait parler de la marge bénéficiaire du pharmacien français. Le problème, c’est qu’on ne voit les choses que d’un seul point de vue, alors qu’il faudrait voir le problème dans son ensemble », déplore-t-il.