Président en exercice de l’Union africaine (UA) à partir de février prochain, le chef de l’État, Macky Sall, devra faire face à de nombreux défis. Santé, sécurité, climat… le président sénégalais aura son boulot à sa place.
C’est dans un contexte de turbulences dans la sous-région africaine que le président Macky Sall prendra les rênes de l’Union africaine, à compter de ce mois de février 2022. Une année qui marquera également les 20 ans de l’organisation africaine. Sauf changement, c’est à Addis-Abeba que le président sénégalais devrait être « intronisé » lors du sommet de l’organisation prévu les 5 et 6 février. Ce sera la 35e session ordinaire des chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine. Les dirigeants africains vont discuter de plusieurs dossiers et doivent d’abord tenter de trouver une solution entre le gouvernement éthiopien et le Tigray People’s Liberation Front (Tplf).
Santé : « une opportunité unique pour encourager la recherche médicale »
Des sujets brûlants attendent le président sénégalais. Dans le domaine de la santé, par exemple, la pandémie de Covid-19 a mis en lumière les carences du continent dans le secteur médical, mais surtout la faiblesse du leadership africain. Les centres africains de contrôle des maladies, le groupe de travail sur l’acquisition de vaccins de l’UA, dirigé par le président sud-africain Cyril Ramaphosa, et l’équipe de travail sur la livraison de vaccins de l’UA ont été applaudis pour leur travail, mais peu de vaccins sont disponibles en dehors de certains pays pour l’Afrique. Et selon l’OMS, seuls 10% des pays africains auraient atteint l’objectif de 40% de personnes vaccinées d’ici fin 2021. Environ 7% de la population africaine avait été vaccinée en octobre 2021. Analyste géopolitique et communicant politique, Régis Hounkpé estime que l’enjeu fondamental est celui de la recherche et du développement en matière médicale et sanitaire pour l’UA, face à la crise du Covid qui a bouleversé de nombreuses économies africaines. « La crise sanitaire a été l’occasion pour des puissances internationales rivales de faire leurs preuves sur le continent avec la diplomatie vaccinale. Cette diplomatie de la seringue met à nu les carences des politiques sanitaires et médicales des 54 pays, et plus encore la stratégie syndicale intégrée qui fait défaut. Au-delà des systèmes COVAX et des partenariats internationaux, l’Afrique doit travailler sur ses propres solutions, intégrant la médecine traditionnelle et la médecine conventionnelle dans une stratégie commune. Le président Sall offre une occasion unique d’encourager la recherche médicale et de promouvoir l’excellent travail des chercheurs et scientifiques d’Afrique et de sa diaspora pour réfléchir à cette pandémie et à celles qui ne manqueront pas de survenir dans les années à venir. Aujourd’hui, la santé, au même titre que la sécurité, a un impact incommensurable sur le développement économique et la paix ».
Sécurité : « définir une vision efficace des enjeux stratégiques, sécuritaires et politiques »
La question de la sécurité affectera les dirigeants des États membres de l’UA, le terrorisme et les coups d’État étant de plus en plus récurrents dans la sous-région africaine. Et sur cette question, Macky Sall avait exprimé son point de vue lors d’un entretien accordé à RFI et France 24. Parlant de transitions militaires en Guinée, au Tchad et surtout au Mali voisin, il l’avait vivement dénoncé. « Nous ne pouvons pas accepter que des soldats de cette partie de l’Afrique prennent le pouvoir par la force. Nous sommes dans une démocratie et le pouvoir se gagne avec les élections ». Et pour M. Hounkpé, les coups d’État militaires et constitutionnels sont un frein sur le continent. « En Afrique de l’Ouest, l’inflation des attentats violents, électoraux ou armés, signifie au moins deux choses : l’incertitude dans la gestion du pouvoir et l’intolérance vis-à-vis des politiques publiques menées sans succès. pas le développement économique. Par ailleurs, les armées, qui forment le pilier de la sécurité intérieure et des frontières, sont de plus en plus impuissantes face à la menace djihadiste et sont confrontées au dilemme de gérer elles-mêmes le pouvoir ou de s’enliser jusqu’à l’annulation totale face au rouleau compresseur. de groupes terroristes armés par ailleurs mieux équipés. Le président Sall a forcément mis ces questions à l’ordre du jour pour définir une vision efficace des enjeux stratégiques, sécuritaires et politiques, mais la tâche n’est pas aisée.
Climat : « Education, mobilisation et sensibilisation »
Le débat sur le climat devrait également être l’un des enjeux importants du président Macky Sall. Et les ministres des affaires étrangères l’avaient souligné lors de la réunion du conseil exécutif d’octobre 2021. L’analyste géopolitique Régis Hounkpé souligne que l’Afrique est le continent le moins polluant, mais qu’il subit les effets dévastateurs du changement climatique. La pollution urbaine, cependant, fait des millions de victimes à travers le continent. « Au lieu de se concentrer sur les sentiments ou les accusations du Nord, l’UA doit discuter et agir sur ces tragédies environnementales, et tout cela passe par l’éducation, la mobilisation et la sensibilisation des citoyens. » Le président Macky Sall avait déjà donné le ton sur ce point en décembre, lors de l’ouverture à Diamniadio du 5e sommet du bassin sédimentaire de la Mauritanie, du Sénégal, de la Gambie, de la Guinée-Bissau et de la Guinée Conakry (sommet Msgbc oil, gas & power). Le futur président de l’UA avait dénoncé ce qu’il considère comme une injustice climatique envers les pays africains. Selon lui, il faut définir un consensus adéquat dans l’agenda international autour d’une transition énergétique qui tienne compte des besoins spécifiques des pays en développement à faibles émissions, en quête d’un accès d’urgence et universel à l’électricité.
Sécurité alimentaire : « agriculture, survie »
Pour l’année 2022, le thème de l’UA est « Renforcer la résilience nutritionnelle sur le continent africain : accélérer le capital humain, le développement social et économique ». Cela s’appuie sur les décisions antérieures de l’UA, telles que celles établissant un groupe de travail africain sur le développement de l’alimentation et de la nutrition et l’élaboration d’une stratégie régionale africaine de nutrition (2016-2025). Un thème choisi dans un contexte où la pandémie de Covid-19 a aggravé une situation déjà désastreuse de malnutrition et d’insécurité alimentaire sur le continent. A cet effet, M. Hounkpé rappelle que l’agriculture n’est pas seulement l’avenir du continent, c’est avant tout sa survie. « C’est à cette exigence que la sécurité alimentaire peut être garantie et nourrir souverainement les Africains. La question du financement de l’UA reste également au cœur des préoccupations des États membres. Et selon le spécialiste, si l’Union ne parvient pas à se financer, elle restera dans le sillage des organisations internationales et ne pourra pas résister aux diktats des puissances internationales. « Il existe de nombreuses ressources endogènes à mobiliser pour financer le développement du continent africain et de l’organisation qui l’incarne ». Avec les défis majeurs de chacun, le mandat du président Macky Sall à l’UA ne sera pas facile.