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Les Gazaouis du Sénégal crient », par El Bachir BEYE

Ngor, la bande de Gaza du Sénégal, à nouveau bombardée et assiégée. Tout a commencé par la décision unilatérale de la Gendarmerie d’occuper 6387 m2 du parking de Ngor le dimanche 16 avril 2023, en commençant les travaux à l’insu de nos autorités administratives et coutumières.

Ce lieu, appelé certainement ‶Parking″ ou ‶Arrêt Mame Tamsir″ du nom de feu El Hadji Tamsir Mamadou Ndiaye, Imam, Maître coranique et Guide spirituel, représente beaucoup pour la communauté lébou de Ngor, car il fait partie de notre patrimoine religieux et culturel.

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Pourtant, cette institution qu’est la Gendarmerie, que l’on nous reproche de ne pas accepter sur notre territoire, a été accueillie à bras ouverts, servie à ‶Téranga Léboue″ pendant 17 ans au prix de grands sacrifices.

Oui, cette Gendarmerie est installée dans une partie du Centre Socio-Culturel de Ngor (Foyer) depuis 2006, privant ainsi les jeunes de toutes activités récréatives, ou d’organisation de cérémonies ou d’événements, sans aucun choc. C’est à cause de cette gendarmerie que les jeunes de Ngor ont abandonné toutes les soirées dansantes, coladera, réceptions ou fêtes socio-éducatives, pour être mis à l’aise par nos braves Forces de Défense et de Sécurité, dites FDS.
Cependant, il est clair que c’est la Gendarmerie elle-même qui a décidé de quitter Ngor, déclarant que leur brigade est dans une zone inondable et qu’un autre site doit être trouvé.

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Mais au lieu d’attendre le début et les conclusions de la commission que le Gouverneur avait promis de mettre en place, suite à la réception des différentes parties prenantes pour trouver une solution, la Gendarmerie est venue unilatéralement s’accaparer du seul poumon qui restait à Ngor.

Cet acte, qui est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, a exacerbé l’excès de frustration et d’humiliation. En effet, ce village, confiné dans une petite bande de 4,5 km2, agonise par manque d’espace vital.

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Victime d’expropriation et de dépossession foncière, Ngor s’est vu confisquer toutes ses terres par une administration qui a toujours joué contre elle.
Les faits marquants suivants en témoignent : 1943 : réquisition du domaine aéroportuaire de 864 hectares ; 1943 : réquisition du champ de tir des Mamelles (50 hectares) ; 1968 : réorganisation des Almadies (450 hectares) ; 1973 : attribution de baux sur l’île de Ngor à des non résidents de Ngor ; 1982-1999 : Partage des dernières poches des Almadies Est, zone de Calao derrière l’hôtel de Ngor jusqu’au virage ; 2006 : début du partage des terres du domaine aéroportuaire ; 2017 à ce jour : attribution des terres de l’aéroport LSS à des particuliers, des institutions, en oubliant les résidents du village de Ngor.

Et aujourd’hui, en 2023, c’est le parking, seul poumon restant à Ngor, qui est dans la ligne de mire d’une brigade de gendarmerie nationale. Et la question qui s’impose : plus de 6000 m2 pour une brigade ?
Le village, victime de sa « traditionalité » et d’une mauvaise urbanisation, est caractérisé par une étroitesse sans nom, avec des habitations délabrées ou décrépites (comme en témoigne la maison récemment effondrée à Khatakhély, quartier traditionnel du village), ce qui peut avoir des conséquences sanitaires, environnementales et humaines désastreuses.

Ngor est prise entre le marteau de l’avancée de la mer et l’enclume de l’absence d’espace de vie pour notre génération et les générations futures. Et Ngor souffre dans sa chair, irriguée de sang lébou, et les effluves de cette ébullition commencent à émerger comme les premières larves d’une éruption volcanique qui menace d’éclater au grand jour, et ce, à tout moment.
Ce sentiment de mépris et de discrimination envers la communauté de Ngor, mais aussi le fait de toucher ce lieu symbolique qui représente l’entrée de Ngor, sont à la base de cette éruption juvénile.

Mais cette manifestation de jeunes contre l’injustice s’est heurtée à une réaction disproportionnée de la gendarmerie. Après les événements du mardi 18 avril, Ngor, devenue « la bande de Gaza », a connu un vendredi de feu avec des tirs d’obus et de gaz lacrymogènes lourds, ainsi que des tirs de balles, même sur des maisons où vivent des personnes âgées et des personnes souffrant de maladies pulmonaires.

Mais le plus grave, ce sont les actes de violence barbares perpétrés sur des innocents, et le pillage des maisons jusqu’à y mettre le feu (les images sont là pour le confirmer). Ces actes que nous avons vus à la télévision contre le peuple palestinien sont maintenant perpétrés contre le peuple de Ngor.
Et le plus comique, c’est que nous assistons à un blocus sans nom, qui vise à couper la population de Ngor du monde extérieur, en interdisant aux taxis et aux transports publics d’entrer à Ngor, en privant tout le monde de la liberté d’aller et venir, mais aussi les élèves et les étudiants d’aller à l’école ou à l’université, ainsi que les malades de se rendre à leurs rendez-vous médicaux.

Oui, Ngor est assiégé et encerclé par la gendarmerie et les blindés dans toutes les rues et ruelles menant au village traditionnel. Nous en appelons au bon sens des autorités de la gendarmerie pour désamorcer cette situation qui n’arrange personne et dont d’autres voudront profiter, compte tenu de la tension qui règne dans tout le pays.
Aux autorités étatiques, nous demandons simplement de retirer les forces de l’ordre et de redonner espoir à la jeunesse de Ngor qui a besoin d’infrastructures et de structures éducatives (Lycée, Ecole Franco-Arabe, Centre de formation aux métiers de la pêche, etc.) pour lui assurer une bonne éducation et contribuer ainsi à l’émergence du Sénégal auquel nous sommes fiers d’appartenir.

Ngor a toujours été un lieu de paix et de convergence de toutes les populations sénégalaises et étrangères, étant la première destination touristique du Sénégal, et a toujours joué un rôle prépondérant dans ce qui constitue notre label à l’international : ‶la Téranga Sénégalaise″. Et pour mettre fin à cette situation, nous appelons les autorités étatiques à rencontrer, nos autorités administratives, coutumières et religieuses, pour aborder la question du ‶Parking″ ou ‶Arrêt Mame Tamsir″, qui encore une fois est une grande symbolique pour le peuple Ngorois qui ne la laissera pas s’échapper, sous aucun prétexte, au regard de ce qu’elle représente pour lui religieusement et culturellement. Que la paix règne sur Ngor, le Sénégal et le monde entier !
El Bachir BEYE

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