Le Sénégal reste tendu après la condamnation de Sonko
Des affrontements ont fait 15 morts après la condamnation du principal opposant du président actuel, le rendant inéligible pour les élections présidentielles.

Une rue de Dakar le 3 juin 2023 après des manifestations qui ont fait 15 morts.
Seyllou/AFP
Le Sénégal restait tendu samedi au lendemain d’affrontements qui ont fait, selon le gouvernement, quinze morts depuis jeudi et la condamnation de l’opposant Ousmane Sonko à deux ans de prison.
Le bilan pourrait être plus lourd, l’opposition et les médias locaux faisant état de la mort de cinq autres personnes vendredi, une information difficile à confirmer dans un contexte de grande confusion.
De petits groupes de jeunes manifestants très mobiles ont affronté la police à Dakar, à la périphérie de la capitale et dans le sud du pays, vendredi soir.
De nombreux biens publics et privés ont été pillés, notamment des banques et des magasins Auchan dans la banlieue de Dakar. Des pneus brûlés et des pierres jonchaient les trottoirs de plusieurs rues samedi matin.
Plusieurs réseaux sociaux, tels que Facebook, WhatsApp et Twitter, ont été coupés, une mesure prise par le gouvernement pour stopper « la diffusion de messages haineux et subversifs ».
Comme la veille, l’armée a été déployée autour de points stratégiques, comme la place de l’Indépendance, à quelques mètres du palais présidentiel. Des policiers et des gendarmes étaient également présents en nombre dans la capitale sénégalaise.
L’opposition dénonce un complot
Les Sénégalais retiennent leur souffle, craignant l’arrestation de l’opposant Ousmane Sonko, candidat déclaré à l’élection présidentielle de 2024, condamné jeudi à deux ans de prison pour avoir « dépravé » une jeune femme de moins de 21 ans.
Cette décision le rend inéligible pour le moment. Depuis le début de l’affaire, Ousmane Sonko affirmait que le président Macky Sall complotait pour l’éliminer politiquement.
Il dit être « séquestré » dans sa résidence de Dakar par les forces de sécurité qui empêchent toute personne de s’approcher.
Ousmane Sonko peut être arrêté « à tout moment », a déclaré le ministre de la Justice, Ismaïla Madior Fall.
Le parti de M. Sonko, Pastef, a appelé à « amplifier et intensifier la résistance (…) jusqu’au départ du président Macky Sall », dont le régime est accusé de « dérives sanglantes et dictatoriales », dans un communiqué publié vendredi.
Pour le porte-parole du gouvernement, les événements de jeudi ne sont pas « une manifestation populaire avec des revendications politiques », mais plutôt « des actes de vandalisme et de banditisme ».
« Nous avons affaire à des casseurs recrutés pour maintenir une tension artificielle. Ils vont continuer à faire leur travail, mais le temps est à la restauration totale et au maintien de l’ordre public », a-t-il déclaré au journal L’Observateur, précisant que deux nouveaux décès ont été signalés vendredi.
Un bilan incertain
« J’ai très peur parce qu’on ne sait pas ce que ça va donner. Mais c’était très prévisible, et peut-être qu’il fallait passer par là pour faire avancer les choses, pour que les politiciens arrêtent de jouer avec le peuple », a déclaré à l’AFP Fatou Ba, 46 ans, commerçante dans le quartier populaire de Dalifort, à Dakar. « Si elles (les autorités) veulent la paix, elles ne vont pas s’en prendre à Sonko », espère-t-elle.
« Personne n’est en sécurité dans ce pays en ce moment. Si les manifestations se poursuivent, la vie sera encore plus difficile », a déclaré Matar Thione, un motocycliste de 32 ans.
Dans ce quartier, des stations-service ouvertes ont été prises d’assaut par crainte d’une pénurie d’essence. Dakar, habituellement animée, est vide et de nombreux magasins sont fermés.
Vendredi, la communauté internationale, des représentants d’associations et des stars du football comme l’attaquant Sadio Mané ont appelé à la modération et à la fin des violences dans un pays considéré comme un rare îlot de stabilité en Afrique de l’Ouest.
AFP
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