Les autorités suspendent l’application TikTok
La détention lundi d’Ousmane Sonko pour divers chefs d’accusation, dont l’appel à l’insurrection, a suscité des protestations.

Deux personnes ont été tuées dans un bus à Dakar le 1er août 2023 lorsque des assaillants ont lancé une bombe incendiaire improvisée.
GAY MAGATTE/AFP
Les autorités sénégalaises ont suspendu mercredi l’application TikTok jusqu’à « nouvel ordre » en raison de la diffusion de messages « haineux et subversifs » à la suite des manifestations contre l’emprisonnement de l’opposant Ousmane Sonko lundi.
L’accès à Internet sur les téléphones portables avait déjà été coupé lundi pour les mêmes raisons.
« Il a été constaté que l’application TikTok est le réseau social de prédilection de personnes malveillantes pour diffuser des messages haineux et subversifs qui menacent la stabilité du pays », a déclaré Moussa Bocar Thiam, ministre de la Communication et de l’Économie numérique, dans un communiqué.
Déjà 5 morts
La détention d’Ousmane Sonko lundi sous divers chefs d’accusation, dont l’appel à l’insurrection, a déclenché des manifestations. Trois personnes ont été tuées dans le sud du pays et dans la banlieue de Dakar.
Deux autres personnes ont été tuées mardi à Dakar dans un attentat à l’engin incendiaire contre le bus dans lequel elles voyageaient, sans qu’aucun lien ne soit clairement établi entre l’attentat et la manifestation contre l’emprisonnement d’Ousmane Sonko.
Amnesty International a condamné lundi les restrictions imposées à Internet, les qualifiant d' »attaque contre la liberté d’information », et a appelé les autorités à « rétablir l’Internet ».
Avec cette troisième affaire, qui s’ajoute à deux autres condamnations, Ousmane Sonko, candidat déclaré à l’élection présidentielle de 2024, risque de cinq à vingt ans de prison, selon les experts juridiques.
L’homme politique, arrivé troisième à l’élection présidentielle de 2019, a été condamné le 1er juin dans une autre affaire à deux ans de prison. Sa condamnation a déclenché les troubles les plus graves de ces dernières années au Sénégal, faisant seize morts selon les autorités et une trentaine selon l’opposition.
Brouillard total sur le nom du futur président
L’incarcération de l’opposant Ousmane Sonko, après que le président sortant Macky Sall a renoncé à briguer un troisième mandat, a plongé le Sénégal dans un flou total et inédit sur le nom de son futur chef d’Etat, à sept mois des élections.
Sall et Sonko étaient les deux candidats annoncés ou présumés à la présidentielle de février 2024, date à laquelle le pays d’Afrique de l’Ouest choisira qui prendra la tête du pays pour cinq ans, dans un contexte économique difficile, mais qui devrait bénéficier pour la première fois des revenus du pétrole et du gaz.
Macky Sall, élu en 2012 et réélu en 2019, a mis fin début juillet à des mois de spéculations en annonçant qu’il ne briguerait pas sa succession.
Une quarantaine de candidats ont été déclarés, mais aucun nom, pas même ceux des anciens premiers ministres Idrissa Seck et Aminata Touré, n’a vraiment attiré l’attention. Les candidatures de deux autres opposants, Khalifa Sall et Karim Wade, empêchés par des condamnations de se présenter en 2019, restent incertaines.
« À quelques mois de l’élection présidentielle, il n’y a pas de clarté et beaucoup de nuages planent sur les candidatures », constate Babacar Fall, responsable de l’ONG Groupe de recherche et d’appui conseil pour la démocratie participative et la bonne gouvernance. « C’est une situation sans précédent. Il n’y a pas de candidats déterminés », déclare-t-il.
Macky Sall est le premier président depuis l’indépendance en 1960 à organiser une élection présidentielle sans y participer. La coalition présidentielle lui a donné carte blanche pour désigner son successeur. Mais il doit résoudre les rivalités entre les candidats, chacun étant soutenu par un groupe de partisans qui risquent d’imploser.
Un quatuor s’est constitué autour du Premier ministre Amadou Bâ, du président du Conseil économique, social et environnemental (CESE) Abdoulaye Daouda Diallo, du ministre de l’Agriculture Aly Ngouille Ndiaye, du président de l’Assemblée nationale Amadou Mame Diop et de l’ancien Premier ministre Mahammed Dionne.
Pas de plan B
Du côté de l’opposition, le parti d’Ousmane Sonko, Pastef, subit les contrecoups. Son leader est en prison sans perspective, à l’heure actuelle, d’une évasion qui lui permettrait de concourir. Lundi, les autorités ont annoncé la dissolution du parti, dont de nombreux membres ont été arrêtés ou inculpés par la justice.
Pastef a annoncé qu’il contesterait la dissolution devant les tribunaux. Il s’est accroché à la candidature de Sonko comme étant « la seule chose qui compte ».
Il n’y a pas de plan B pour remplacer Ousmane Sonko, a déclaré Ngouda Mboup, conseiller de Pastef, aux journalistes.
L’emprisonnement d’Ousmane Sonko et la dissolution de Pastef, la première depuis longtemps, ont déclenché des violences qui ont fait plusieurs morts. Mais le « chaos » auquel Pastef prétend que les autorités ont ouvert la porte avec l’arrestation d’Ousmane Sonko ne s’est pas produit.
Outre le bras de fer entre Ousmane Sonko et le pouvoir et l’incertitude désormais levée sur la candidature du président sortant, le sort des opposants Khalifa Sall (sans lien de parenté avec le président) et Karim Wade a, dans une moindre mesure, alimenté les tensions. Leurs condamnations passées pour des détournements de fonds, qu’ils dénoncent comme Sonko comme des supercheries, continuent de les priver de leurs droits électoraux, malgré la grâce présidentielle.
A la suite d’un dialogue initié par le Président, un accord a été trouvé pour modifier le code électoral et rétablir leur éligibilité. Il y a quelques jours, il semblait que la question pourrait être débattue à l’Assemblée. Cependant, le débat n’a pas eu lieu et l’approbation de l’Assemblée, où le gouvernement et l’opposition sont presque également divisés, n’est pas acquise.
À la fin du mois d’août, les candidats feront l’objet d’une première sélection, qui nécessitera des soutiens équivalents à 0,6 %-0,8 % de la liste électorale, ou à une centaine de dirigeants de gouvernements locaux, ou encore à 13 des 165 membres de l’Assemblée. La liste définitive sera établie par le Conseil constitutionnel à la fin du mois de décembre.
AFP
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