Neuf morts dans les émeutes après la condamnation de Sonko
L’opposant Ousmane Sonko a été condamné jeudi à deux ans de prison, ce qui compromet sa candidature à l’élection présidentielle de 2024.

Des groupes de jeunes ont attaqué des biens publics dans plusieurs quartiers de Dakar, brûlant des pneus et plaçant des obstacles dans les rues.
AFP
Neuf personnes ont été tuées jeudi au Sénégal dans des violences qui ont éclaté après la condamnation à deux ans de prison de l’opposant Ousmane Sonko, candidat à l’élection présidentielle de 2024 et menacé d’inéligibilité.
Nous avons noté avec regret les violences qui ont entraîné la destruction de biens publics et privés et, malheureusement, neuf morts à Dakar et à Ziguinchor » (sud), a déclaré le ministre de l’Intérieur Antoine Diome dans un bref message diffusé à la télévision nationale dans la nuit.
Il a également confirmé que les autorités avaient restreint l’accès aux réseaux sociaux, ce qui a été noté pour Facebook, WhatsApp et Twitter, par exemple. « Ayant constaté la diffusion de messages haineux et subversifs sur les réseaux sociaux, l’État du Sénégal, agissant en toute souveraineté, a décidé de suspendre temporairement l’utilisation de certaines applications numériques », a-t-il déclaré. Il appelle au calme et assure que l’Etat prend « toutes les mesures de sécurité nécessaires ».
Le service de surveillance d’internet Netblocks a indiqué dans un message à l’AFP qu’il observait une « situation (qui) ressemble à celle observée en 2021 ». Le Sénégal était alors en proie à des émeutes meurtrières, que l’arrestation d’Ousmane Sonko avait déjà contribué à déclencher.
Corruption des jeunes
Ousmane Sonko, troisième à l’élection présidentielle de 2019 et plus farouche opposant au président Macky Sall, a été condamné jeudi par le tribunal correctionnel à deux ans de prison pour « corruption de la jeunesse », un délit d’incitation à la « débauche » par un jeune de moins de 21 ans. Il était accusé de viol et de menaces de mort à l’encontre d’une employée d’un salon de beauté où il aurait effectué un massage entre 2020 et 2021. L’employée, Adji Sarr, était âgée de moins de 21 ans au moment des faits qu’elle a rapportés. Le tribunal a acquitté Ousmane Sonko des accusations de viol et de menaces de mort.
L’enjeu était autant pénal que politique. Selon le code électoral, la décision semble rendre Ousmane Sonko inéligible. Sonko était absent lors du prononcé de la décision, comme il l’avait été lors du procès. Il serait bloqué par les forces de sécurité à son domicile de la capitale, « séquestré » selon lui. Mais après deux années de confrontation avec les autorités qui ont tenu le pays en haleine, il peut désormais être arrêté « à tout moment », a déclaré à la presse le ministre de la Justice, Ismaïla Madior Fall.
Sans attendre cette arrestation, les émeutes pré-juridictionnelles tant redoutées ont éclaté à Dakar et dans de nombreuses autres villes. L’université de Dakar ressemblait à un champ de bataille. Des groupes de jeunes lancent des pierres sur la police qui répond par des gaz lacrymogènes. Plusieurs bus de la faculté de médecine, du département d’histoire et de la principale école de journalisme du pays ont été incendiés et des bureaux ont été saccagés.
En dehors de ces incidents violents, les rues de Dakar étaient désertes. Des affrontements et des pillages de biens publics, de magasins et de stations-service sont signalés à Dakar et dans sa banlieue, mais aussi à Ziguinchor (sud), où plusieurs personnes sont tuées, à Mbour et Kaolack (ouest) et à Saint-Louis (nord).
Machines
Ousmane Sonko a continué à nier les allégations, affirmant que le gouvernement complote pour l’écarter des élections présidentielles. Ce verdict de condamnation est la dernière étape du complot ourdi par Macky Sall et ses sbires », a réagi Pastef, le parti d’Ousmane Sonko, dans un communiqué de presse, appelant le peuple sénégalais à « descendre dans la rue » et la police à se joindre à lui.
Sonko ne peut plus être candidat ».
La propriétaire du salon de beauté Sweet Beauté, Ndèye Khady Ndiaye, a également été condamnée à deux ans de prison pour incitation à la débauche, mais a été acquittée de l’accusation de complicité de viol. Nous sommes satisfaits de la condamnation de Sonko », a déclaré à la presse l’avocat d’Adji Sarr, Me El Hadji Diouf. Mais 20 millions de FCFA (30 000 euros) de dommages et intérêts, c’est peu pour les « souffrances » qu’il a endurées, a-t-il déploré.
L’éligibilité d’Ousmane Sonko a déjà été compromise par une récente condamnation à six mois de prison avec sursis pour diffamation à l’encontre d’un ministre. Que tous les Sénégalais le sachent : Ousmane Sonko ne peut plus être candidat », a déclaré l’un de ses conseillers, Me Bamba Cissé.
Depuis que l’affaire de viol présumé a fait la une des journaux en février 2021, Ousmane Sonko est engagé dans un bras de fer avec les autorités pour sa survie judiciaire et politique. Avant les événements de cette semaine, une vingtaine de civils avaient été tués depuis 2021 dans des troubles largement liés à sa situation. Le gouvernement et le camp d’Ousmane Sonko s’accusent mutuellement. Autre facteur de tension, le flou entretenu par le président Macky Sall sur sa volonté de briguer ou non un troisième mandat.
AFP
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